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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus
Autoren: Arlette Cousture
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vinrent saluer Villeneuve, Jan d’une poignée de main et d’un petit hochement de tête, Élisabeth d’une discrète révérence. Zofia annonça qu’elle avait invité les enfants à se joindre à eux dans la salle à dîner. Tomasz approuva. Jan fut enchanté de l’honneur qu’on leur faisait en leur permettant d’être assis avec les adultes.
    – C’est une belle façon de fêter la fin des classes, papa.
    – Tu penses que nous devons fêter ça? Il me semble que c’est plutôt triste de savoir que pendant deux longs mois tu ne voudras pas ouvrir un livre.
    – Ce n’est pas triste. Et puis nous fêtons le départ de Jerzy pour la campagne et nous pouvons même commencer à fêter la Saint-Jean.
    Élisabeth donna un coup de coude à son frère, craignant qu’il ne commence une discussion. Encore deux phrases, elle le savait, et son père l’aurait rappelé à l’ordre, d’un œil sévère. Jan comprit, aussi s’empressa-t-il d’ajouter que lui et sa sœur joueraient un peu de violon avant de passer à table.
    Les enfants disparurent. Zofia jeta un coup d’œil à son mari et vit qu’il était mal à l’aise. Elle le savait inquiet dès qu’il avait les ailes du nez recouvertes de gouttelettes. Elle retourna à la cuisine pour en ressortir avec un plat de pruneaux au lard dont Villeneuve se servit en se pourléchant les babines.
    – Comment vais-je faire, Zofia, pour me réhabituer à la nourriture des religieuses canadiennes? Dieu me pardonne, mais elles n’ont pas compris les principes de la bonne cuisine.
    – Voulez-vous que je vous donne des livres de recettes? Votre connaissance du polonais est maintenant assez bonne pour que vous les leur traduisiez.
    Villeneuve la regarda, la lèvre pincée sur un sourire, chercha des yeux l’accord de Tomasz et acquiesça finalement.
    – Vendu. À moi le Manitoba sans trop de regret. Avez-vous la recette des blinis?
    Tomasz ne fut pas dupe. Le ton désinvolte et amusé du père Villeneuve laissait deviner son désarroi devant la montée de la tension politique en Europe. Il habitait la Pologne depuis deux ans et Tomasz s’était lié d’amitié avec lui le jour où il l’avait trouvé dans le fond de la bibliothèque de l’université de Cracovie, un lexique à la main, cherchant désespérément des livres sur l’histoire de la Pologne.
    – Je peux vous aider, mon père?
    – Peut-être. Je trouve ces livres incompréhensibles.
    – Je suis de votre avis. L’histoire est parfois impossible à saisir.
    – Oh! Je ne parle pas de l’histoire, je parle de la langue.
    Tomasz lui avait prêté les livres de Jan et d’Élisabeth, puis ceux de Jerzy, et Villeneuve avait pu commencer ses leçons, soigneusement supervisées par Tomasz qui s’était fait un malin plaisir de faire découvrir son pays à un étranger et qui avait, de jour en jour, apprécié la reconnaissance et la naïveté de celui-ci mais surtout son amitié.
    Ils passèrent à table et Tomasz sembla mécontent du retard de Jerzy qui n’était pas encore rentré. Élisabeth et Jan étaient assis, le corps droit et l’oreille attentive, espérant une question du père Villeneuve, leurs parents leur interdisant de parler sauf si on leur adressait laparole. Jan essayait d’attirer le regard de son père, souhaitant que ce dernier remarque sa très grande envie de dire quelques mots.
    Élisabeth se leva pour ouvrir les fenêtres au moment où le clairon de l’église Kosciol Panny Marii, que le père Villeneuve trouvait plus simple d’appeler Notre-Dame, jouait, du haut de la tour, les premières notes de vingt heures. Tomasz fronça les sourcils et essuya ses verres qu’il avait épais pour neutraliser sa myopie.
    – Je me demande vraiment ce que fait Jerzy. T’a-t-il dit quelque chose, Zofia?
    – Non. Sa valise est prête pour demain et M. Porowski a téléphoné de Wezerow pour m’assurer qu’il serait à la gare.
    Tomasz claqua de la langue avant de dire que Jerzy était assez grand pour porter son bagage et se rendre à pied de la gare à la fermette. Il ne cessa de regarder l’heure et le père Villeneuve tenta maladroitement de le rassurer en lui rappelant que son fils avait quand même dix-sept ans.
    – Pardonne-moi, François, mais tu n’as pas d’enfants. Tu ne peux pas comprendre.
    Le père Villeneuve fut si mortifié par la remarque de Tomasz qu’il grimaça devant le regard désolé de Zofia. Jan, lui, voyait couler son espoir d’être intégré à la
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