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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III
Autoren: Alain Pecunia
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qu’elle avait souhaité tout comme lui qu’il n’y
eût plus de guerre. De fait, seul le curé semblait satisfait, ce
dont elle s’étonna également vu le caractère distant de leurs
relations. Au point qu’il s’élança au-devant d’elle pour la
féliciter chaleureusement, la prenant au dépourvu.
    – Ah ! madame la comtesse, vous vous êtes montrée une digne
fille de l’Église ! se pâma-t-il.
    – Mais tout un chacun ne peut que souhaiter la paix, dit-elle un
instant déconcertée.
    – Certes, certes, madame la comtesse ! Mais le droit de
vote des femmes ! En vous écoutant, je n’ai pu que
m’émerveiller que les propos de feu notre saint père Benoît XV
aient trouvé un tel écho dans notre humble paroisse.
    Mme de La Joyette ne sut que répondre. Elle ignorait que le
précédent pape s’était prononcé pour le droit de vote des femmes au
cours de l’été 1919, tout comme elle ignorait que l’instituteur
socialiste le redoutait car, comme un grand nombre d’hommes de
gauche, il craignait que les femmes ne votent en masse pour le
parti conservateur et clérical. Sentiment que partageait le maire,
qui prenait néanmoins garde à se définir trop nettement en
politique et se maudit d’avoir donné inconsidérément la parole à
cette aristocrate écervelée.
    À sa façon, Mathilde regrettait aussi d’avoir eu à prendre la
parole et se demanda quelle mouche avait bien pu la piquer.
Pourtant, les femmes de l’assistance lui étaient gré de ses propos.
Elles aimaient que leurs sacrifices et le poids de leurs
responsabilités domestiques soient rappelés même si, à part la
vieille Marie-Rose, la veuve du garde champêtre, et quelques jeunes
filles, elles ne souhaitaient pas pour autant se mêler de politique
qui était affaire de bavards et de gens qui n’étaient guère occupés
pour avoir le temps de s’y consacrer. Et les plus sages jugeaient
qu’il fallait bien qu’il reste quelque chose aux hommes pour qu’ils
aient le sentiment de posséder quelque autorité, sinon ils
deviendraient difficiles à manier au quotidien.
    Les hommes, quant à eux, étaient nettement plus hostiles et leur
visage était un peu plus buté que d’ordinaire.
    Le père Gaston, qui avait été blessé au poumon et sifflait comme
une bouilloire quand il parlait, n’en pouvait plus de siffler sans
pour autant émettre le moindre mot tant il était sous le coup de
l’émotion.
    Le père Jean, qui n’avait plus toute sa tête depuis qu’il avait
été trépané et encore moins depuis qu’il avait appris que le
Célestin avait couché avec sa femme quand il était au front,
s’exprima pour son camarade.
    – Avec tous les pouvoirs qu’elles ont déjà sur nous, si en plus
elles ont le droit de voter…
    – Et d’être élues ! surenchérit Fernand le manchot en
agitant son moignon.
    – S’il faut leur refoutre sur la gueule, on leur refoutra sur la
gueule ! s’enflamma le père Célestin, le plus âgé d’entre eux
qui n’avait pas fait la guerre mais avait perdu deux de ses trois
gars à la guerre.
    – Mais de quoi que tu causes ? demanda Firmin le
taiseux.
    Ils étaient tous si peu habitués à l’entendre aligner trois mots
de suite que la bouilloire du père Gaston en eut le sifflet
coupé.
    – Ben des Boches, pardi ! répondit le père Célestin.
    – S’il y en a un à qui j’ai envie de foutre sur la gueule, c’est
bien toi, mon salaud, et pas les Boches, lui lança menaçant Jean le
cocu.
    – V’là que ça lui reprend, bougonna le père Célestin en prenant
Firmin à témoin et tout en se reculant prudemment.
    – Calme-toi, Jeannot, dit Fernand en interposant son moignon
entre les deux protagonistes. Tout ça, c’est que racontars de
vieilles pies.
    – P’t’être, mais j’ai le doute là-dedans, fit le père Jean en
pointant son index sur sa tempe droite, là où son crâne présentait
un enfoncement.
    – Mes enfants, mes enfants ! les interpella le curé qui
s’était approché du groupe. Je vous en prie, c’est pas le jour pour
se chamailler.
    – Ha ! ha ! ricana goguenard le père Jean, c’est pas
le jour ! Parce qu’il y a des jours pour se foutre sur la
gueule et d’autres pas, n’est-ce pas, monsieur le curé ?
    – Mon fils, protesta le prêtre prenant un air attristé et
joignant ses mains paume contre paume, en proférant de telles
paroles tu offenses notre Seigneur qui est Amour et Charité.
    – Faut pas pousser, intervint Fernand en
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