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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée
Autoren: Pierre Péan
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en lui un « bon élève », mais « un peu trop bavard ». À la fin de l'année, l'appréciation générale est qu'il est « intelligent », mais d'un « esprit pas assez posé ». Personne n'a remarqué que ses principaux pôles d'intérêt sont ailleurs et qu'il se garde bien d'en parler à quiconque. « J'ai commencé, dit-il, à faire l'école buissonnière pour aller au musée Guimet où je rencontrais des vieux messieurs très intéressants à qui je servais de grouillot en allant par exemple leur chercher le café. » « Jacky » était intéressé à la fois par ce qu'il voyait et par ce qu'il entendait. Les « vieux messieurs » furent rapidement intrigués par la soif de connaissances et l'intelligence du jeune Jacques, lequel leur confia son désir de suivre leur voie.
    « Commence d'abord par apprendre le sanscrit », prescrivirent-ils à l'adolescent.
    Et de lui indiquer le nom d'un professeur qui « logeait dans une petite chambre au fond d'une cour, dans le XIV e  arrondissement, du nom de Vladimir Belanovitch ». Cet étonnant personnage a alors 61 ans. Russe blanc, parlant de nombreuses langues, arrivé en France par suite de la Révolution de 1917, il est né à Saint-Pétersbourg dans une famille de la petite-bourgeoisie. Diplomate, il a épousé une princesse Troubetzkoï, morte plus tard dans des circonstances dramatiques lors d'un accident d'automobile. La victoire de Lénine survint alors qu'il était en poste en Inde. Arrivé en France, il a longtemps travaillé comme ouvrier chez Renault, a été aussi chauffeur de taxi, et donne alors des cours de langues. Quand le jeune Chirac prend contact avec lui – autour de 1946-47 –, Vladimir Belanovitch est en quasi-retraite et fabrique des écorchés en carton pour les écoles…

    Si cet épisode important de la vie de Jacques Chirac est corroboré par plusieurs sources, je ne suis pas sûr, en revanche, que sa rencontre avec ce Russe blanc se situe bien en 1946-47. Autant le président, comme on le verra, est on ne peut plus précis sur les chronologies de l'apparition de l'homme et de l'outil, ou des premiers signes religieux, dont les unités de mesure sont les dizaines, voire les centaines de milliers d'années, autant il reste flou sur la chronologie des événements qui ont jalonné sa vie. Quoi qu'il en soit, j'ai le sentiment que cette rencontre est survenue plus tard, à la toute fin des années 40 2 .
    S'il situe sa rencontre avec Belanovitch dès ses 14-15 ans, c'est qu'il relie directement son « école buissonnière » aux années qu'il a passées pendant la guerre au Rayol (Var), durant lesquelles il a vécu comme un enfant sauvage à courir pieds nus dans la montage avec Darius Zunino. « C'était un petit voyou, mais un petit voyou sympathique… On courait beaucoup dans la nature, on chassait, on piquait des tuyaux de plomb, on les fondait, on les coupait en petits morceaux pour en faire des petits projectiles qu'on lançait avec des lance-pierres sur les oiseaux… Il y avait des drames avec le maire aux prises avec les Italiens d'abord, puis avec les Allemands qui avaient truffé la région de fils de communication tirés à même le sol… et nous, on coupait ces fils ; ce n'était pas un acte de résistance, mais c'est que ces fils étaient très utiles pour faire quantité de choses… Bref, on courait sans arrêt dans la montagne. »
    Gilberte Zunino se souvient fort bien du jeune Jacques et de ses équipées sauvages avec son frère Darius 3  : « Ils chassaient beaucoup et les oiseaux qu'ils tuaient amélioraient notre ordinaire… Ils allaient chercher le miel dans les ruches et se faisaient piquer par les abeilles… Ils cassaient aussi beaucoup les ampoules avec leurs lance-pierres… Coupaient les fils laissés dans la montagne par les Allemands qui prenaient cela pour des actes de résistance. Il y a même eu une enquête qui n'a pas eu de conséquences dramatiques, parce que c'étaient des enfants… Ils ont quand même été beaucoup grondés… J'avais 13-14 ans. On aimait beaucoup Jacques. C'était un garçon sympathique, gentil comme tout… Darius et Jacques étaient des petits aventuriers qui n'avaient peur de rien. Nous étions une famille d'ouvriers et, évidemment, beaucoup plus pauvres que les Chirac, ce qui n'empêchait pas Jacques de préférer aux siens les goûters des Zunino, faits de pain grillé sur lequel on étendait un filet d'huile et on frottait de l'ail… Il
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