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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste
Autoren: Hervé Gagnon
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devant.
    Je plaçai ma main sur Memento, qui reposait sur ma cuisse. Memento Creatoris tui in diebus iuventutis tuæ, antequam veniat tempus afflictionis 2 ... Les mauvais jours se trouvaient à l’horizon, tels de sombres nuages présageant la tempête. Cela, je n’en doutais pas un seul instant.
    Le voyage vers le Nord s’annonçait long. Je le savais, pour en avoir fait une partie en sens inverse dans un temps qui me semblait appartenir à un autre siècle. À cette époque, Bertrand de Montbard et Evrart de Nanteroi avaient été à mes côtés. Maintenant, les deux étaient morts ; le premier pour moi, le second par ma main.
    Gisors se trouvait à quelque deux cents lieues 3 de Toulouse, soit près du double de la distance parcourue entre Rossal et Béziers, quand je ne savais rien encore de la situation dans laquelle je me retrouverais. Si nous voyagions au trot du lever au coucher du soleil et que nous ne rencontrions aucun obstacle, il nous faudrait au moins trois semaines pour nous y rendre. Il n’y avait par contre que soixante-douze lieues de Toulouse à Limoges. Peu après, le Sud se terminait officiellement. Dans trois ou quatre jours, nous serions donc en territoire ennemi. Heureusement, notre trajet promettait d’être passablement tranquille. L’essentiel des conquêtes croisées, dont Béziers, Carcassonne, Minerve, Cabaret, Montréal, Termes, Castres, Pamiers et Puylaurens se trouvaient en effet plus à l’est. Il nous suffirait donc d’éviter
    Lavaur, là où Montfort avait fait lapider la châtelaine et pendre quatre-vingts chevaliers, comme nous l’avait rapporté Albin de Hautpoul lors de son passage à Montségur. Mais nous devions tout de même faire vite, car si Toulouse tombait, les croisés remonteraient inévitablement vers le Nord et, dans cette éventualité, la route du retour nous serait coupée.
    Guidés par Ugolin qui, décidément, connaissait ce pays comme le creux de sa main, nous évitâmes les chemins les plus fréquentés et décrivîmes un détour par l’ouest pour éviter les environs de Lavaur et demeurer le plus loin possible d’éventuels croisés. Le Minervois avait décrété que, par mesure de prudence, nous nous dirigerions d’abord vers le village de Mondenard, pour poursuivre ensuite vers Cahors, une ville qu’il considérait assez grande pour que nous y passions inaperçus. Je m’en remis entièrement à son jugement, qui avait maintes fois fait ses preuves.
    Pour ma part, je faisais de mon mieux pour ne pas trop ruminer. Je me répétais sans cesse que, si j’avais perdu Cécile, je devais en revanche m’estimer heureux d’avoir à mes côtés Pernelle et Ugolin, qui m’accordaient une confiance telle qu’ils m’accompagnaient vers l’inconnu. Les deux avaient déjà beaucoup trop souffert pour moi, et pourtant ils étaient là.
    Je me concentrais de mon mieux sur la tâche à venir, dont je savais finalement peu de choses, sinon que la seconde part de la Vérité se trouvait à Gisors. Dans une chapelle qui n’a jamais vu la Lumière , avait dit la mendiante. Suis la lignée de l’Ordre des Neuf. 3, 5 et 7. Les Ténèbres et la Lumière. Gare au vitriol et comprends la marque d’infamie de Jésus . Je n’avais aucune idée de ce que je devais déduire de son charabia, mais elle avait été le Cancellarius Maximus. Elle n’avait certes pas parlé au hasard alors que la mort l’enveloppait déjà.
    Le moment venu, il remettra son sceau au Magister de son choix, faisant de lui le Lucifer, porteur de la Lumière divine, avaient annoncé les instructions qui m’avaient été dévoilées après mon élection. Périodiquement, je sortais de ma chemise le pendentif que la vieille m’avait remis avant que ne surgissent les hommes du comte de Toulouse, dans lequel se trouvait encastrée la croix cathare que Métatron avait brûlée dans la chair de mon épaule pour me lier à jamais à cette cause.

    J’admirais le sceau finement ciselé dans l’or, avec lequel elle avait marqué tous ses messages. Il te permettra d’accéder à ce que tu cherches. C’est ce qu’elle m’avait dit. La mort l’avait-elle empêchée de m’en révéler davantage ? Pourquoi diable avait-elle pris la peine de me prévenir contre le vitriol ? Allait-on tenter de m’empoisonner ? Un piège séculaire imaginé par les Neuf ou par leurs ennemis me guettait-il une fois arrivé à Gisors ? J’étais un homme de guerre, pas un apothicaire ni un alchimiste. Si un
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