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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir
Autoren: Anne Tremblay
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hâte…

    Il n’y avait rien à faire. Julianna abandonna toute tentative de nourrir Léo.
     Elle se frotta le bas du dos. Dans son ventre, le bébé lui donna un coup de
     pied. Sentir cette vie en elle était étrange. Après tant de morts… Elle n’en
     voulait pas, de cette grossesse. Elle regarda autour d’elle. Elle ne voulait pas
     de cette vie tout court ! La jeune mère ne savait plus où donner de la tête. Si
     Marie-Ange ne l’avait pas abandonnée, aussi ! Enceinte, fatiguée, nauséeuse,
     elle avait soigné son fils aîné, hébergé son frère Georges et son neveu Elzéar,
     pris soin de la maisonnée. Et Léo qui avait toujours des coliques, et qui était
     malade ce matin, et Mathieu qui mouillait son lit à neuf ans, et Laura
     qui...
    — Laura ! s’écria-t-elle en voyant tout à coup sa fillette s’approcher
     dangereusement des escaliers, les pieds empêtrés dans la longue robe de nuit
     blanche que la petite lui avait visiblement empruntée pour se déguiser.
    — Regardez maman, ze vais voler dans le ciel comme un ange pis aller jouer avec
     mes cousins Gagné.
    — Laura ! Tu vas tomber !
    Au cri de sa mère, Yvette tourna le regard vers l’étage, sans réagir. En se
     précipitant, Julianna pria pour que sa petite ne se casse pas le cou.
    Elle vit l’expression de la fillette passer de l’exaltation à la peur tandis
     qu’elle sentait les marches se dérober sous ses pieds, son corps penché en
     arrière avant de rouler, tête première, le long de l’escalier.
    Julianna la repêcha sur la dernière marche. Fébrilement, elletâta l’enfant sous toutes ses coutures. Réalisant qu’elle était saine et
     sauve, la colère l’emporta sur le soulagement. Julianna la secoua
     rudement.
    — Fais-moi plus jamais des peurs pareilles, Laura Rousseau, m’as-tu compris ?
     Pis t’as pas le droit de fouiller dans ma garde-robe !
    Rageusement, la mère se mit à retirer le vêtement à l’enfant.
    Laura hoquetait :
    — Ze voulais juste voir mes cousins. Ze m’ennuie.
    Yvette s’approcha et consola sa petite sœur, tandis que sa mère se relevait
     péniblement, tenant son gros ventre à deux mains, allant s’affaler dans la
     berceuse.
    — Tu nous as fait peur, ma Lolo… dit Yvette, tout doucement.
    La tempête de la mère se calma aussi soudainement qu’elle était arrivée. En
     pleurant doucement, elle invita Laura à grimper sur ses genoux. Tout en berçant
     son imprudente fille, c’était sa propre détresse qu’elle réconfortait. Le chien
     s’était remis à japper. Mathieu, qui était revenu sur le palier voir ce qui se
     passait, se triturait nerveusement les mains. Il rencontra le regard exaspéré de
     sa sœur Yvette. Celle-ci attrapa un châle sur son crochet et s’enfuit dehors en
     lançant :
    — J’vas donner à manger au chien, maman.
    — Va nourrir les poules avant, ordonna sa mère.
    Mathieu retourna vers sa chambre. Il retira son vêtement de coton blanc et le
     jeta sur son lit. Personne ne comprendrait jamais que c’était sa faute si le feu
     avait tout brûlé. Il n’avait personne à qui raconter les images de ses mauvais
     rêves, des images de lièvres, la tête en bas, la peau épluchée à l’envers sur
     leurs maigres pattes et l’expression de souffrance sur leur visage aux traits
     d’enfants…

    Accompagné d’Elzéar, François-Xavier termina de faire
     le train sur la ferme de Ti-Georges. Tous les bâtiments avaient été épargnés par
     le feu. Il ne s’habituerait jamais à passer à côté des ruines de la maison,
     matin et soir. Il fallait bien prendre soin des animaux. Avec un soupir, il se
     dit que ces corvées supplémentaires achevaient. Georges avait tout vendu la
     semaine dernière. Benoît Côté, du rang quatre, était venu frapper à leur porte
     et avait offert à son beau-frère de racheter au complet la ferme incendiée.
     François-Xavier avait trouvé la somme dérisoire, mais Georges avait sauté sur
     l’occasion. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec cette terre. Son
     beau-frère s’était même départi de son camion. Le nouveau propriétaire prendrait
     possession de son bien à la Saint-Jean-Baptiste. Il comptait reconstruire une
     maison sur les anciennes fondations. Sans émotion apparente, d’une voix blanche,
     Georges avait scellé leur accord d’une poignée de main, affirmant qu’il se
     rendrait, sans tarder, chez le notaire. Son fils Elzéar prendrait soin
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