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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir
Autoren: Anne Tremblay
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prit un bol de
     gruau et essaya de nourrir son fils. Tout en essayant de faire prendre une
     bouchée à Léo qui refusait de coopérer, elle maugréa :
    — Des fois, je sais pas à quoi a pensé ton parrain Henry de te donner ce chien
     en cadeau ! Un embarras. Ouvre la bouche Léo, une cuillerée pour maman...
    Le chien hurlait comme un loup maintenant. Julianna cria :
    — Baveux, couché !
    Découragée, elle laissa tomber la cuillère sur la table. Il n’y avait rien à
     faire !

    — Je suis vraiment heureux de voir à quel point tu as retrouvé
     l’appétit, dit le curé Duchaine en souriant à son protégé.
    Pierre continua d’avaler ses œufs. Il faut dire que les repas du presbytère
     n’étaient pas comparables à ceux de la maison. Ne plus avoir la sempiternelle
     bouillie d’avoine pour déjeuner était loin d’être désagréable.
    — Tu n’as plus mal aux jambes maintenant ? demanda le curé en faisant signe à
     sa ménagère de lui verser un autre café.
    — Presque pas, le rassura Pierre.
    Les premières semaines après le grand feu, la douleur causée par ses brûlures
     lui embrouillait l’esprit et l’empêchait presque de pleurer la perte de sa
     parenté. Lorsque la peau arrêta de pendre tels des haillons sur ses jambes et
     que le contact de l’air ne lui donna plus envie de hurler, il regretta presque
     cette délivrance. Ses cousins avaient-ils souffert ? Avaient-ils été brûlés vifs
     ou ne s’étaient-ils jamais réveillés ? Adulte, il se douterait du triste sort
     que l’explosion et la soudaineté de l’incendie avaient réservé aux prisonniers
     de l’étage. Pourtant, il ne se rappelait pas avoir entendu le moindre cri.
     Comment continuer à sourire, à jouer, à vivre ? Il s’était senti coupable de ne
     pas être lui aussi qu’un tas d’ossements mélangés dans une boîte enterrée.
     Pierre trouva réconfort auprès du curé Duchaine. Les visites régulières du
     religieux avaient été ce à quoi il s’accrochait le plus. De sa douce voix,
     calmement, le curé discutait avec lui de choses et d’autres. Pour lui apprendre
     son catéchisme, le curé lui avait offert de l’héberger pendant tout le mois de
     mai. Mais Pierre devrait bientôt se résoudre à revenir chez lui.
    — Je voulais te parler de quelque chose, Pierre.
    Curieux, l’adolescent cessa de manger et regarda son curé.
    — Si tu es d’accord, j’aimerais ça te garder encore un peu ici.
    La joie emplit le cœur de Pierre. Rien ne lui ferait plus
     plaisir que d’étirer ce doux bonheur. Ici, il vivait dans un cocon. Il buvait
     les paroles réconfortantes du curé. Sa décision de rentrer plus tard en religion
     venait certainement de ces instants privilégiés.
    — Comme je te disais, si tes parents le veulent aussi, j’aurais besoin de toi.
     Tu sais que le 11 juin prochain, c’est le début des fêtes du centenaire du
     Saguenay. Mon cher ami l’abbé Victor Tremblay, qui s’occupe de cette grande
     fête, voit grand. Je ne sais plus trop où donner de la tête avec tous les
     préparatifs. Avec les enfants qui ont marché au catéchisme, je n’ai pas vu le
     temps passer.
    Pierre écoutait attentivement.
    — En tout cas, l’abbé vient me rendre visite ce matin. Quel homme dynamique,
     passionné, il n’a jamais fini de m’impressionner ! Attends de voir, mon petit
     Pierre, ce qu’il nous apporte. Tu ne devineras jamais !
    Pierre continua de manger. Il prit une troisième rôtie et la couvrit d’une
     épaisse couche de confiture. Il était habitué à ce que le curé lui parle ainsi
     sans vraiment attendre de réponse. Le curé reprit :
    — Un drapeau, rien de moins, un drapeau pour notre région ! C’est la première
     fois que cela se fait.
    — Moi, je serais ben content de rester encore, monsieur le curé, pis de voir un
     drapeau.
    — Bon, c’est réglé d’abord. Quand tu auras fini de déjeuner, tu iras à
     l’église. Il faut aller à la cave jeter la vieille eau bénite. Elle traîne
     depuis Pâques.
    Pierre avala de travers. Il n’osa avouer au curé qu’il crevait de peur de
     descendre sous la sacristie, là où étaient enterrés des prêtres.
    — Un drapeau, un drapeau ! Qu’est-ce que tu penses de ça ? reprit le curé sans
     se rendre compte du malaise de Pierre.
    Assombri par la pensée de sa désagréable corvée, Pierre répondit
     sans réel enthousiasme :
    — J’ai ben hâte, ben, ben
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