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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée)
Autoren: Pierre Miquel
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allemand les voies ferrées russes. Le travail forcé permettrait d’assurer rapidement le remplacement des rails. Les locomotives viendraient d’Allemagne et le bassin houiller du Donetz fournirait l’énergie nécessaire. Ludendorff promettait d’en rendre seulement une partie aux Russes, et demandait un tiers du pétrole de Bakou.
    Les vues de Hitler sur l’espace vital de l’Est étaient donc partiellement la reprise d’une ambition allemande déjà affirmée sur le terrain par le quartier-maître général Ludendorff. Il ne croyait pas pouvoir poursuivre la guerre sans le fer et le blé d’Ukraine, le pétrole de Ploiesti et de Bakou. La conquête continentale était donc la clé de la victoire allemande, ou, comme le dit Hitler, de la sécurité du peuple allemand. Mein Kampf, de ce point de vue, est la reprise des ambitions du haut état-major de la fin de la guerre, quand l’Allemagne avait pu, en engageant seulement dix-huit divisions, conquérir, dans la débâcle du bolchevisme, un espace inespéré. Cet espace, Hitler le revendique avec force, sans mettre en avant la seule justification idéologique ou raciale, d’un point de vue d’abord géostratégique, comme si la conquête allait de soi.
    Par rapport à cette orientation, les buts de guerre du chancelier allemand von Bethmann-Hollweg, affirmés dans une lettre au ministre de l’Intérieur Clemens von Delbrück le 9 septembre 1914, sont très différents. Alors qu’il ignore encore le reflux allemand de la Marne sur l’Aisne, le chancelier s’intéresse presque exclusivement à l’Ouest. À l’est, il n’exige que la création d’un État tampon entre l’Allemagne et la Russie. On peut penser, comme l’historien français Jean-Baptiste Duroselle, que ces revendications sont celles d’un homme politique qui estime la victoire proche, ou avec l’historien allemand Fritz Fischer que Bethmann-Hollweg reprenait des buts de guerre affirmés par les milieux économiques dès avant la guerre. Il est de fait que le pouvoir impérial les a maintenus jusqu’au bout : ils supposaient l’annexion du bassin français de Briey, du versant occidental des Vosges, des places de Belfort et Longwy, des Hauts-de-Meuse, de la côte de Dunkerque à Boulogne. Il était également question de la cession à l’Allemagne du Congo qui deviendrait le centre d’un vaste empire colonial allemand en Afrique.
    Quand la défaite allemande sur la Marne est connue à Berlin le 10 septembre 1914, le nouveau général en chef Falkenhayn, qui succède à Moltke II, demande au chancelier s’il est possible de conclure la paix avec la France ou avec la Russie. Il ne veut plus continuer à se battre sur deux fronts, n’étant plus sûr de remporter la victoire. Les ambitions du milieu économique allemand s’opposent alors à toute concession. Le programme rédigé à l’intention de l’état-major par le professeur Schumacher maintient l’annexion de Toul, Verdun, Belfort, Briey, étend les revendications au bassin houiller du Nord et de toute la côte jusqu’à l’embouchure de la Somme : c’est approximativement le tracé de la « zone interdite » imposée par Hitler à Vichy en 1940.
    Ces vues ne sont absolument pas conformes aux ambitions de Hitler affirmées dans Mein Kampf, parce qu’il ne s’intéresse pas alors exclusivement aux visées du commerce, de l’industrie lourde et qu’il n’envisage pas la création d’un espace économique à l’ouest et aux colonies. Les ambitions de Gwinner, directeur de la Deutsche Bank, inspirateur de la Mitteleuropa, une vaste union douanière comprenant autour de l’Allemagne la France, la Belgique, la Hollande, le Danemark et l’Autriche-Hongrie, ont pu inspirer le chancelier allemand de 1914 qui demandait la vassalisation de la Belgique et l’annexion du Luxembourg. Mais, pour Hitler, l’occupation de la France et de la Belgique industrielle n’implique pas une révision des frontières, même s’il fait abattre par les généraux de la Wehrmacht, contrairement aux stipulations de l’armistice de juin 1940, les poteaux de l’Alsace et de la Lorraine, il ne conçoit de colonisation que dans la Lorraine allemande, l’Alsace étant réputée terre du Reich. Les pays de l’Ouest sont certes occupés provisoirement par la carte de guerre, mais c’est vers l’est que se porte surtout l’annexionnisme allemand.
    *
    De la sorte, l’invasion de l’URSS se rapproche plus du plan offensif de
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