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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée)
Autoren: Pierre Miquel
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mettre la France à genoux en un mois d’opérations. Il avait les mains libres pour se retourner contre l’Est, étant maître de toute l’Europe continentale.
    L’Angleterre avait pu à grand-peine rembarquer, sans le matériel, l’essentiel de son corps expéditionnaire à Dunkerque, mais elle n’avait nullement les moyens d’envisager un débarquement en Europe. Quant aux États-Unis, comme en 1914, ils avaient élu sur un programme de paix un président démocrate qui n’avait aucune intention d’intervenir. Hitler se trouvait, à peu de frais, grâce au succès de la Blitzkrieg, soudainement débarrassé de la France, « l’ennemi mortel, l’ennemi impitoyable du peuple allemand ».
    L’heure du règlement de comptes avec l’Est et de la conquête du Lebensraum était venue. Dans le chapitre « Orientation vers l’est ou politique de l’Est » de Mein Kampf, Hitler explique que la restauration des frontières de 1914 ne saurait être un but politique, car elles étaient seulement « le résultat des jeux du hasard » et ne garantissaient ni la sécurité du peuple allemand, ni son expansion vers un statut de grande puissance que seul le rapport territoire-population pouvait donner. C’était un trop maigre résultat que de verser le sang allemand dans une guerre de revanche pour rectifier le traité de Versailles. « Dans l’ivresse d’un pareil succès, si dénué de portée qu’il soit, on renoncerait d’autant plus volontiers à s’imposer de nouveaux buts que “l’honneur national” aurait reçu réparation et que quelques nouvelles portes se seraient ouvertes, au moins pour un certain temps, au développement commercial. » Les grands intérêts allemands, après la victoire éclair de 1940 sur la France, souhaitaient-ils rien d’autre qu’une paix précipitée avec l’Angleterre dont le Führer lui-même affirmait qu’elle n’était pas « l’ennemi de race » de l’Allemagne ?
    Pendant plus d’un an, de juin 1940 au 22 juin 1941, le monde retient son souffle. Aucune opération importante de la Wehrmacht n’est réalisée en Europe. L’Allemagne est-elle disposée à camper sur l’espace conquis, à offrir la paix à l’Angleterre ? Restera-t-elle fidèle au pacte germano-soviétique qui assure une sorte de partage continental ? Hitler renoncera-t-il à ses objectifs à l’est ?
    *
    « Un règlement de comptes avec la France, avait-il écrit, demeurerait inefficace si nos buts de politique extérieure se bornaient à cela. » La victoire en France ne peut être qu’une « couverture de nos arrières pour l’extension en Europe de notre habitat ». Il s’agit d’acquérir à l’est un « territoire de peuplement », de renoncer à toute idée d’expansion coloniale ou commerciale et de parvenir au statut de puissance mondiale auquel l’Allemagne n’a encore jamais pu prétendre que par l ’Ostpolitik de conquête territoriale, pour disposer d’un espace comparable à celui des États-Unis. « Nous commençons, dit Hitler, là où l’on avait fini, il y a six cents ans. »
    Le modèle d’occupation territoriale est donné par la zone tenue par l’armée allemande après le traité de Brest-Litovsk et la marche vers l’Ukraine et le Caucase des unités de Ludendorff en 1918. Les rêveries de Mein Kampf, assorties d’un commentaire racial inusité et de références historiques vagues, entrent dans le moule d’une organisation très précise des territoires de l’Est mise en place après le deuxième traité de Brest-Litovsk signé le 28 août 1918.
    Non seulement la Pologne russe mais l’Ukraine étaient alors menées par la direction de la guerre. Ludendorff affirmait déjà son intention d’organiser les terres conquises en espace de colonisation, d’y installer des colons dotés de capitaux et de moyens de culture. Le bureau économique du général Groener [1] , qui avait dirigé en 1916 l’économie de guerre allemande, comprenait un directeur de Krupp, Wiedfeldt, chargé de remettre en marche les mines et les aciéries. La bureaucratie de l’Est était directement rattachée à celle de Berlin. Une « Société pour la mise en valeur du sol et des industries de l’Ukraine » avait été mise sur pied pour inventorier les ressources en fer, mercure, manganèse et autres minerais stratégiques.
    Les experts avaient lancé des missions d’enquête. Une société avait été spécialement créée pour raccorder au gabarit
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