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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts
Autoren: Norman Mailer
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compréhensible – fout ce que les hommes désirent et qu’ils ne réussissent pas à réaliser. Pour la première fois depuis des années il se revit rentrant de la mine à l’heure du crépuscule, sa peau d’une sale couleur pâle contre la neige, passant le seuil de la maison, mangeant son repas en silence tandis que sa mère le regardait d’un air maussade. Maison froide et hargneuse où chacun avait grandi de son côté, et durant toutes ces années il n’y repensa jamais sans amertume. Mais dans cet instant, tandis qu’il regardait l’eau, il ressentait pour une fois de la compassion : il comprenait sa mère et les frères et sœurs qu’il avait presque oubliés. Il comprenait bien des_ choses, il revoyait de mornes incidents, de tristes incidents survenus au cours des années passées à bourlinguer, il se souvenait d’un ivrogne dévalisé sur les marches qui mènent à Rowery Park, près du pont de Brooklyn. Cette sienne compréhension, si spéciale, ne pouvait être que l’effet d’un moment comme celui-ci ; elle était le fruit de toute son expérience passée, de deux semaines d’agitation incessante à bord, de l’atmosphère de cette nuit où l’on s’avançait vers les plages ennemies.
    Mais sa compassion ne dura que quelques minutes. Il comprenait tout cela, il savait qu’il ne pouvait rien là-contre, et d’ailleurs ii n’était pas tenté d’y faire quoi que ce soit. A quoi bon ? Il soupira, et sa perspicacité s’échappa de lui avec son soupir. Il y a des choses contre lesquelles on ne pourra jamais rien. Elles sont trop embrouillées. II faut savoir se tirer d’affaire par ses propres moyens, sinon on devient comme Hennessey, on se tracasse à propos des clous.
    Il n’en voulait pas, lui, de tracasseries. Il ne ferait de mal à personne s’il pouvait l’éviter, et il n’avait encore jamais glissé dans la merde. « Jamais encore », se dit-il fièrement.
    Il resta longtemps à regarder l’eau. Il n’avait jamais fait de grandes découvertes. Tout ce qu’il savait concernait les choses qu’il n’aimait pas. Il éternua, écoutant le vent qui se plaquait contre la coque. Tout son corps était conscient de l’écoulement des secondes qui se précipitaient à la rencontre de l’aube. Ce moment était le dernier, avant des mois, où il se trouverait seul, et il en savourait la sensation. Il avait toujours été un solitaire.
    Il n’y avait rien dont il eût envie, se dit-il de nouveau. Ni argent, ni femme, ni rien. Quand il se sentait le besoin d’une compagnie, la première petite grue de rencontre faisait son affaire. Il n était pas homme à se laisser embobiner par une donzelle. Il sourit contre le vent qui se rabattait sur son visage, puis, saisissant la lisse, il aspira l’épaisse odeur végétale qui arrivait de l’île.
    « Je me fiche pas mal de ce que t’en penses, disait le sergent Brown à Stanley. La vérité c’est qu’on peut pas leur faire confiance. » Ils se parlaient à mi-voix de leurs couchettes adjacentes, que Stanley eut soin d’occuper dès que lui et Brown eurent mis pied à bord. « Ça existe pas, une femme en gui on peut avoir confiance.
    – Je n’en sais rien, ça n’est pas toujours vrai, chuchota Stanley. Moi je fais confiance a ma femme. » II n’aimait pas le tour que prenait la conversation ; elle nourrissait le ver du doute qui rongeait son esprit, et d’autre part il savait que le sergent Brown n’aimait pas qu’on le contredît.
    « Ecoute, dit Brown. T’es un bon petit gars, et t’es intelligent, mais ça sert à rien de faire confiance à une femme. Prends voir la mienne. Elle est belle, je t’ai montré sa photo.
    –, Elle est vraiment bien de sa personne, se hâta d’approuver Stanley.
    – Je te crois qu’elle est belle. Et tu penses toi qu’elle va rester tranquille à m’attendre ? Non, elle va pas. Elle se paie du bon temps.
    – Je ne dirais pas des choses comme ça, suggéra Stanley.
    – Pourquoi pas ? Tu peux y aller, je me vexerai pas. Je sais ce qu’ elle fait, et quand je rentrerai je réglerai mes petits comptes avec elfe. La première chose que je lui demande, c’est : « T’es sortie avec des gars ? » et si elle me dit : « Oui », je lui fais cracher son histoire en cinq secs. Et si elle dit : « Mais non, chéri, parole que je suis « pas sortie, tu me connais », je fais ma petite enquête et si je découvre qu’elle en a menti, eh bien, je la bascule et
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