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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu
Autoren: Steven Pressfield
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les femmes vendues en esclavage, nos terres ancestrales furent confisquées et, trois jours avant le début de ma dixième année au ciel, comme dit le poète, je devins un exclu, sans personne au monde à l’exception de ma cousine Diomaque, sans famille et sans foyer.

3
    Quand j’étais enfant, nous avions à la ferme de mon père un esclave nommé Bruxieus. J’hésite à user du mot d’esclave, car mon père subissait plus l’ascendant de Bruxieus que l’inverse. Nous le subissions tous, d’ailleurs, et surtout ma mère. En tant que maîtresse de maison, elle se refusait à prendre la moindre décision domestique, sans parler de décisions bien plus importantes, sans consulter d’abord Bruxieus et avoir son accord. Mon père s’en remettait à lui pour presque toutes les affaires, à l’exception de la politique dans la ville. Et j’étais moi-même entièrement sous son charme.
    Bruxieus était un Éléen, capturé par les Argiens quand il avait dix-neuf ans. Ils l’avaient aveuglé avec de la poix brûlante, mais sa connaissance des remèdes lui permit de retrouver une petite partie de sa vue. Il portait sur son front la marque au fer de l’esclave, en forme de cornes de taureau, qu’y avaient imprimée les Argiens. Mon père l’avait acquis alors qu’il avait plus de quarante ans, en compensation d’un chargement d’huile de jacinthe perdu en mer.
    Pour autant que j’en puisse juger, Bruxieus savait tout. Il pouvait extraire une dent gâtée sans recourir à la girofle ou au laurier-rose. Il pouvait porter du feu dans ses mains nues. Et, ce qui était le plus important à mon regard de garçon, il connaissait toutes les formules et incantations nécessaires pour chasser le mauvais œil et la malchance.
    La seule faiblesse de Bruxieus résidait, comme je l’ai dit, dans ses yeux. Au-delà de dix pas, il n’y voyait goutte. Cela me procurait un plaisir secret, fût-il coupable, parce que cela signifiait qu’il avait tout le temps besoin d’un garçon près de lui pour y voir à sa place. Je passais des semaines d’affilée sans jamais le quitter, même pendant la nuit, car il insistait pour me veiller et dormait toujours sur une peau de mouton au pied de mon petit lit.
    En ces jours-là, il semble qu’il y ait eu guerre chaque été. Je me rappelle les entraînements de la cité à chaque printemps, aux semailles. L’on descendait l’armure de mon père d’au-dessus du foyer et Bruxieus en huilait chaque joint et chaque relief, il aiguisait et fixait de neuf les deux lances et les lances de rechange, et il remplaçait la poignée de corde et de cuir du bouclier bombé de chêne et de bronze, l ’hoplon. L’entraînement se faisait sur une large plaine à l’ouest du quartier des potiers, juste sous les remparts de la ville. Nous, les garçons et les filles, nous nous munissions d’ombrelles et de gâteaux de figues et nous nous installions sur les meilleurs points de vue des remparts pour observer nos pères s’entraîner à l’appel des trompettes et aux battements des tambours.
    L’année dont je parle, une discussion vive s’éleva sur la proposition du prytaniarque qui présidait cette session. C’était un propriétaire terrien nommé Onaximandre. Il voulait que chaque homme effaçât ses insignes personnelles ou celles de son clan sur son bouclier et les remplaçât par un alpha uniforme, première lettre du nom de notre cité, Astakos. Il soutint que tous les boucliers spartiates arboraient fièrement un lambda , pour leur pays, Lacédémone. On lui opposa avec moquerie que nous n’étions pas des Lacédémoniens. Et quelqu’un raconta l’histoire du Spartiate dont le bouclier ne portait aucun autre insigne qu’une image de mouche grandeur nature. Quand ses compagnons se moquèrent de lui, il leur répliqua que bientôt son bouclier approcherait ses ennemis de si près que la mouche leur paraîtrait aussi grande qu’un lion.
    Les séances d’entraînement militaire suivaient d’année en année le même schéma. Les deux premiers jours, l’enthousiasme régnait. Les hommes étaient contents d’être délivrés des travaux de la terre ou du commerce, et ravis de se retrouver avec leurs camarades et loin des enfants et des femmes de leur maisonnée ; l’événement prenait alors l’allure d’un festival. L’on faisait des sacrifices soir et matin. Les riches arômes de la viande grillée se répandaient partout, ce n’étaient que gâteaux de froment et
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