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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu
Autoren: Steven Pressfield
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J’ai revu ma femme et mes enfants, ma chère cousine Diomaque, celle que j’aimais. J’ai vu mon père Scamandride et ma mère Eunice, Bruxieus, Dekton et Suicide, des noms qui ne disent rien à Sa Majesté, mais qui pour moi étaient plus chers que la vie et qui, maintenant que je meurs, me deviennent encore plus chers.
    Ils se sont éloignés. Et moi, je me suis éloigné d’eux.
    J’étais tout à fait conscient de mes compagnons d’armes tombés. Le lien qui m’unissait à eux était cent fois plus fort que celui que j’avais ressenti dans la vie. J’éprouvai un soulagement inexprimable quand je me rendis compte que j’avais craint plus que la mort d’être séparé d’eux. Je redoutai le terrible tourment de celui qui survit aux guerres, ce sentiment de solitude et de trahison connu de ceux qui se sont raccrochés à la vie alors que leurs camarades avaient relâché leur prise sur elle.
    L’état que nous appelons la vie s’était achevé. J’étais mort. Et pourtant, aussi écrasant que fût mon sentiment de perte, je sentis que mes compagnons d’armes l’éprouvaient avec moi. Que notre histoire périrait avec nous. Que personne n’en saurait rien.
    Je ne me souciais pas de moi, de mes ambitions égoïstes et vaines, mais d’eux ; de Léonidas, d’Alexandros, et de Polynice, d’Aretê privée de son foyer, et plus que tout, de Dienikès. Que son courage, son esprit, ses pensées que moi seul avais eu le privilège de partager, et que tout cela, tout ce que ses compagnons avaient accompli et souffert dût tout simplement disparaître et s’évanouir comme la fumée d’un feu de camp, c’était intolérable.
    Nous étions arrivés au fleuve. Nous pouvions voir avec des yeux qui n’étaient plus des yeux et entendre avec des oreilles qui n’étaient plus des oreilles, les eaux du Léthé couler et les légions des morts qui avaient longtemps souffert s’avancer, maintenant que leur séjour souterrain s’achevait. Ils retournaient à la vie, ils allaient boire les eaux qui effacent toute mémoire de cette existence qu’ils avaient menée sur cette terre, ici où ils n’étaient que des ombres.
    Mais nous, ceux des Thermopyles, nous étions à des millénaires de boire l’eau du Léthé. Nous nous souvenions. Un cri qui n’était pas qu’un cri, mais la douleur multipliée des cœurs des guerriers et la mienne déchira ce spectacle sinistre avec une tristesse sans nom.
    Puis derrière moi, comme si j’avais encore un dos dans ce monde où toutes les directions n’en faisaient qu’une, une clarté resplendit, et elle était tellement sublime que, nous le comprîmes tous d’emblée, ce ne pouvait être qu’un dieu.
    Phébus aux flèches qui vont loin, Apollon dans son armure circulait parmi les Spartiates et les Thespiens. Aucune parole n’était dite, il n’en était pas besoin. L’Archer savait l’agonie des hommes, comme il savait aussi en tant que guerrier et médecin, qu’il était là pour y remédier. Cela advint si vite que je n’eus même pas le temps de la surprise, je sentis son regard sur moi, moi le dernier qui eusse pu m’y attendre, et soudain Dienekès, mon maître dans la vie, fut près de moi.
    Je serais donc celui-là, qui retournerait et qui parlerait. Une souffrance supérieure à toutes les autres s’empara de moi. La douce vie elle-même, ne me fût-elle concédée que pour la chance de raconter notre histoire, me parut soudain insupportable en regard de la douleur de quitter ceux que j’avais tant aimés.
    Mais, devant la majesté du dieu, nul recours n’était possible. Je vis une autre lumière, moins sereine, plus crue, plus grossière, et je compris que c’était le soleil. Je resurgissais. J’entendis avec mes oreilles physiques des paroles de soldats en égyptien et en perse. Des mains gantées de cuir me tirèrent de sous un monceau de corps.
    Les marins égyptiens me racontèrent plus tard que j’avais prononcé le mot lokas, qui dans leur langue signifie « foutre » et ils en rirent même alors qu’ils tiraient mon corps pantelant de sous les cadavres.
    Ils se trompaient ; le mot était loxias, qui est le titre respectueux donné en grec à Apollon le Perspicace, ou encore Apollon le Crabe, dont les oracles sont toujours allusifs et obliques, c’était lui que j’implorais, le suppliant et le maudissant à la fois de m’avoir imposé cette charge, à moi qui n’en avais pas le talent. De même que les poètes appellent la
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