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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Tu es blessé.
    — Juste une lèvre fendue. Cela ne fait même pas mal.
    La repartie faisait penser { celle d’un petit garçon soucieux de se montrer brave.
    — Je te verse une tasse de thé, décida la domestique.
    La vieille femme semblait croire depuis toujours en l’éfficacité absolue
    de
    ce
    remède.
    Une
    théière
    se
    trouvait
    déj{ sur la table, elle n’eut qu’{ prendre une tasse dans le buffet.
    — Où es-tu allé chercher la bagarre ?
    — Dans un mauvais lieu, ricana le jeune homme, l’un de ceux dont parlent les curés du haut de la chaire. Comme on ne peut plus prendre un verre tranquille au Château Frontenac. .
    — Mais ta mère a de l’alcool dans son armoire.
    — Parfois, le sherry ne suffit pas.
    La vieille domestique porta une tasse à sa bouche, demanda en la reposant sur la table :
    — Tu ne bois pas ? Il est à la bonne température.
    —Je vais éviter { la fois l’alcool et le thé, le temps que ma lèvre soit moins douloureuse.
    Il affichait maintenant une véritable lippe, fendue juste au milieu.
    — Comment as-tu pris ça ?
    — Parfois, de mauvais garçons hantent les mauvais lieux.
    Un sourire narquois précéda un souffle de la domestique.
    — Dans le temps, je t’ai donné un objet pour t’aider {
    te défendre.
    — Mais je l’ai toujours.
    Le vétéran passa la main dans la poche de sa veste, sortit un boulon gros comme le pouce pour le poser sur la table.
    — Tu l’as gardé !
    Elle s’émerveillait de la chose.
    — Et si tu voyais les deux brutes. .
    Cette fois, elle rit de bon cœur.

    *****
Le lendemain matin, Mathieu passa très tôt dans la salle de bain, contempla un long moment dans le miroir sa lèvre inférieure, toujours aussi enflée qu’au moment de se coucher, à peine cinq heures plus tôt.
    — Je vais me faire gronder par la patronne, murmura-t-il.

    Près d’une heure plus tard, quand il prit place à la table familiale, la prédiction se réalisa. Sa mère leva les yeux en commençant :
    — Bon. .
    Puis elle enchaîna, un soupçon de panique dans la voix :
    — Seigneur, que t’est-il arrivé ?
    — Un simple accident. Je suis tombé.
    En réprimant un sourire, Gertrude posa une cafetière fumante sur la table. Cette boisson remportait maintenant la faveur des jeunes femmes de la maison.
    — On ne mesure pas les dangers encourus par les garçons dans la solitude de leur chambre à coucher, ironisa Thalie en prenant sa place à table.
    Françoise, de son côté, paraissait un peu dégoûtée de le voir ainsi. Une croûte noirâtre gâchait sa bouche.
    — Tu ne me dis pas la vérité, fit la mère d’un ton sévère.
    — Je suis sorti prendre l’air, insista le garçon. Dans l’obscurité, j’ai glissé sur une marche.
    Marie secoua la tête, puis elle déclara, sceptique :
    — Peut-être devrais-je faire mettre une lampe, près de la porte. Il fait bien noir, c’est vrai. Si tu dois sortir encore, passe par l’avant.
    Le jeune homme, en bon garçon, acquiesça d’un mouvement de la tête en se versant un peu de café. Lorsqu’il porta la tasse à sa bouche, il laissa échapper un «ouch» douloureux.
    — Tu vas devoir boire avec une paille, ricana Thalie.
    — Voyons, ce n’est pas gentil de te moquer ainsi de ton grand frère. Cela doit faire mal.
    Les deux enfants se regardèrent, puis éclatèrent de rire.
    Un bref instant, ils eurent dix et treize ans. La mère se joignit bientôt à eux, puis elle reconnut :
    — Mais c’est vrai, une paille serait tout indiquée.

    Elle marqua une pause, puis continua, un peu soucieuse :
    — Tu ne pourras pas travailler aujourd’hui. Heureusement, demain
    c’est
    dimanche,
    la
    boutique
    sera
    fermée.
    En mettant de la glace, cela ne paraîtra presque plus lundi matin.
    — Nous pourrions lui faire porter un masque, l’un de ceux que nous utilisions pendant l’épidémie.
    Cette fois, le regard maternel obligea Thalie à abandonner les railleries. Françoise amena tout le monde sur un sujet plus léger.
    — Nous allons connaître la première journée vraiment chaude de juin, je crois.
    — Tu as raison, observa Mathieu. Puisque me voilà contraint à un congé forcé, je pense que je vais faire une longue marche dans la campagne de Sainte-Foy.
    Le jeune homme savait déjà où le porteraient ses pas.

    *****
Quand Mathieu redescendit l’escalier un peu raide, {
    l’arrière de la maison, la matinée se trouvait bien entamée.
    Cette sortie discrète permettrait de ne pas
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