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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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curé, l’honneur n’y trouve point son compte.
    Celui qui faisait figure de chef pâlit et s’emporta :
    — Imbécile, de quoi te mêles-tu ?… C’est
là le Mazarin qui baise notre reine. Il l’a envoûtée avec sa queue et nous
allons la lui couper.
    — Quelle drôle d’idée ! constata
sobrement l’inconnu en balayant l’air devant lui d’un coup d’épée.
    Pas n’importe quel coup d’épée.
    Le geste avait été extraordinairement rapide, précis,
maîtrisé. Tout, de la force du bras à la souplesse du poignet, indiquait un
redoutable duelliste et si, pour les tueurs, l’issue de l’affaire ne paraissait
point compromise pour autant, il apparaissait à présent qu’il faudrait passer
sur le corps de cet empêcheur d’assassiner en paix un Premier ministre.
    Dans une ultime tentative d’intimidation, le chef
des quatre hommes demanda :
    — Nous avons le droit de savoir qui nous
allons tuer ?
    Une lueur joyeuse dansa un instant dans le
regard sombre et fiévreux de l’inconnu :
    — Vous allez tuer Loup de Pomonne, comte
de Nissac… Ou Mort-Dieu, c’est lui qui vous tuera !
    Le cardinal reprenait espoir. Un espoir mesuré :
à un contre quatre, le pari semblait risqué.
    Mais, dans le même temps, sa prodigieuse
mémoire se mettait en marche car ce nom ne lui était pas inconnu…
    Nissac !… Loup de Pomonne, comte de
Nissac ! Un lieutenant-général d’artillerie. Mais à Lens, pour sauver ses
canons menacés par l’infanterie espagnole, c’est l’épée à la main qu’il s’était
couvert de gloire !
    Loup de Pomonne, comte de Nissac !
    Une très ancienne et très haute noblesse, ombrageuse,
qui ne fréquentait point la Cour et vivait dans son rude château médiéval, face
à la mer, tout là-bas, en terre de Normandie, près de Saint-Vaast-La-Hougue et
Barfleur.
    Absolument ! Une longue lignée de
glorieux marins, la plupart disparus en mer ou tués au combat. Un ou deux
amiraux, un grand-père refusant de quitter son navire matraqué de tous côtés
par les canons de la flotte anglo-hollandaise qui avait détruit l’escadre de
Tourville à une ou deux lieues du château natal, presque sous les yeux de son
épouse.
    Mazarin se souvenait de cette histoire
légendaire qui fit beaucoup pleurer les dames de la Cour. Le comte de Nissac, seul
à son bord sur son bateau fou, le sabre à la main, disparaissant dans les
flammes et les gerbes d’écume au cri de « Merde à l’Angleterre ! »
sous les yeux de sa très jeune femme.
    Et un père qui avait sombré avec sa frégate, le Dragon Vert, au large des Indes orientales. La mère de Loup de Nissac en
était morte de chagrin et, au petit garçon de dix ans bientôt orphelin, elle
avait fait jurer de ne jamais servir le roi sur un navire.
    Promesse tenue, l’héritier des redoutables
marins était devenu général d’artillerie.
    Mais il se prénommait « Loup », comme
ces animaux aux oreilles toujours droites qui savent faire face pour mourir.
    Le cardinal se sentit tout aise, brusquement. Peut-être
son défenseur mordrait-il la poussière, le corps percé de tous côtés, mais la
beauté y trouverait sa part.
    Que le dernier seigneur de Nissac, actuellement
sans descendants, risquât sa vie pour lui, voilà qui réconciliait Mazarin avec
la noblesse, la vraie, la noblesse d’épée remontant à Saint Louis, qui servait
avec courage, évitait la futilité de la Cour, ne savait point danser le menuet
ou le passe-pieds mais n’ignorait rien de l’honneur depuis longtemps déjà.
    Le combat s’engagea.
    Si l’on peut dire ainsi car, détendant
simplement le bras, Nissac avait déjà tué un homme. En garde à nouveau, le bras
qui se détend en se jouant de la garde adverse, et un second agresseur s’effondrait.
    Oubliant que sa vie dépendait de l’issue du
combat, le cardinal observait avec grande fascination les façons de monsieur de
Nissac. Pour ce qu’il en savait, il y avait là quelque archaïsme et sans doute
un côté maniériste. Nissac se battait à l’ancienne, comme au temps du roi Henri
le quatrième mais son secret ne ressemblait à rien de connu. C’est en s’ouvrant
au combat, qu’il tuait. En quelques secondes, et toujours de semblable façon, frappant
d’estoc, la pointe de l’épée longue et fine touchant la carotide de l’adversaire.
    Mais d’adversaires, on n’en voyait point. Seuls
quatre cadavres dans de larges flaques de sang jonchaient les dalles froides
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