Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II
Autoren: Michel de Montaigne
Vom Netzwerk:
et quiconque s'estudie bien
attentifvement, trouve en soy, voire et en son jugement mesme,
ceste volubilité et discordance. Je n'ay rien à dire de moy,
entierement, simplement, et solidement, sans confusion et sans
meslange, ny en un mot.
Distinguo
, est le plus universel
membre de ma Logique.
    Encore que je sois tousjours d'advis de dire du bien le bien, et
d'interpreter plustost en bonne part les choses qui le peuvent
estre, si est-ce que l'estrangeté de nostre condition, porte que
nous soyons souvent par le vice mesme poussez à bien faire, si le
bien faire ne se jugeoit par la seule intention. Parquoy un fait
courageux ne doit pas conclurre un homme vaillant : celuy qui
le seroit bien à poinct, il le seroit tousjours, et à toutes
occasions : Si c'estoit une habitude de vertu, et non une
saillie, elle rendroit un homme pareillement resolu à tous
accidens : tel seul, qu'en compagnie : tel en camp clos,
qu'en une bataille : car quoy qu'on die, il n'y a pas autre
vaillance sur le pavé et autre au camp. Aussi courageusement
porteroit il une maladie en son lict, qu'une blessure au
camp : et ne craindroit non plus la mort en sa maison qu'en un
assaut. Nous ne verrions pas un mesme homme, donner dans la bresche
d'une brave asseurance, et se tourmenter apres, comme une femme, de
la perte d'un procez ou d'un fils.
    Quand estant lasche à l'infamie, il est ferme à la
pauvreté : quand estant mol contre les rasoirs des barbiers,
il se trouve roide contre les espées des adversaires :
l'action est loüable, non pas l'homme.
    Plusieurs Grecs, dit Cicero, ne peuvent veoir les ennemis, et se
trouvent constants aux maladies. Les Cimbres et Celtiberiens tout
au rebours.
Nihil enim potest esse æquabile, quod non à certa
ratione proficiscatur
.
    Il n'est point de vaillance plus extreme en son espece, que
celle d'Alexandre : mais elle n'est qu'en espece, ny assez
pleine par tout, et universelle. Toute incomparable qu'elle est, si
a elle encores ses taches. Qui faict que nous le voyons se troubler
si esperduement aux plus legers soupçons qu'il prent des
machinations des siens contre sa vie : et se porter en ceste
recherche, d'une si vehemente et indiscrete injustice, et d'une
crainte qui subvertit sa raison naturelle : La superstition
aussi dequoy il estoit si fort attaint, porte quelque image de
pusillanimité. Et l'exces de la penitence, qu'il fit, du meurtre de
Clytus, est aussi tesmoignage de l'inegalité de son courage.
    Nostre faict ce ne sont que pieces rapportées, et voulons
acquerir un honneur à fauces enseignes. La vertu ne veut estre
suyvie que pour elle mesme ; et si on emprunte par fois son
masque pour autre occasion, elle nous l'arrache aussi tost du
visage. C'est une vive et forte teinture, quand l'ame en est une
fois abbreuvée, et qui ne s'en va qu'elle n'emporte la piece. Voyla
pourquoy pour juger d'un homme, il faut suivre longuement et
curieusement sa trace : si la constance ne s'y maintient de
son seul fondement,
Cui vivendi via considerata atque provisa
est
, si la varieté des occurences luy faict changer de pas,
(je dy de voye : car le pas s'en peut ou haster, ou
appesantir) laissez le courre : celuy la s'en va avau le vent,
comme dict la devise de nostre-Talebot.
    Ce n'est pas merveille, dict un ancien, que le hazard puisse
tant sur nous, puis que nous vivons par hazard. A qui n'a dressé en
gros sa vie à une certaine fin, il est impossible de disposer les
actions particulieres. Il est impossible de renger les pieces, à
qui n'a une forme du total en sa teste. A quoy faire la provision
des couleurs, à qui ne sçait ce qu'il a à peindre ? Aucun ne
fait certain dessein de sa vie, et n'en deliberons qu'à parcelles.
L'archer doit premierement sçavoir où il vise, et puis y accommoder
la main, l'arc, la corde, la flesche, et les mouvemens. Nos
conseils fourvoyent, par ce qu'ils n'ont pas d'adresse et de but.
Nul vent fait pour celuy qui n'a point de port destiné. Je ne suis
pas d'advis de ce jugement qu'on fit pour Sophocles, de l'avoir
argumenté suffisant au maniement des choses domestiques, contre
l'accusation de son fils, pour avoir veu l'une de ses
tragoedies.
    Ny ne trouve la conjecture des Pariens envoyez pour reformer les
Milesiens, suffisante à la consequence qu'ils en tirerent.
Visitants l'isle, ils remarquoyent les terres mieux cultivees, et
maisons champestres mieux gouvernées : Et ayants enregistré le
nom des maistres d'icelles, comme ils eurent faict l'assemblée
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher