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Les chevaliers de la table ronde

Les chevaliers de la table ronde

Titel: Les chevaliers de la table ronde
Autoren: Jean Markale
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et
contre lui-même en diverses circonstances, car rien n’est acquis d’avance.
    Cette épopée reste exemplaire dans la mesure où elle est à l’image
d’une humanité qui se cherche à travers un univers encore inachevé qu’elle a
mission de conduire au but mystérieux fixé par Dieu. Mais Dieu, après avoir
construit le cadre de l’action, se retire et laisse ses créatures prendre leurs
responsabilités. Aucun acte, aucun geste, aucune pensée ne peut rester isolé, et
l’individuel engage le collectif. Si l’un des chevaliers de la Table Ronde
échoue dans sa tentative, son échec concerne l’ensemble de ses compagnons. Mais
s’il sort vainqueur de l’épreuve, c’est toute la communauté qui est victorieuse.
Ainsi se trouve réalisée, du moins sur le plan de l’imaginaire, la fusion de
deux réalités antinomiques, le « un » et le « multiple ». Mais
le chemin est rude, qui conduit au château du Graal, et peu nombreux seront
ceux qui parviendront à en franchir les portes. Encore faudra-t-il comprendre ce qui se passe à l’intérieur de ce
château. Et, pour l’instant, seul Merlin sait de quoi il s’agit : malheureusement,
il n’est que le provocateur de l’action, et ce n’est pas à lui de mener les
aventures à leur terme. Voilà pourquoi, tel Dieu après la Création, il se
retire du monde, prenant le prétexte de son amour pour cette étrange Viviane, petite
fille à la fois naïve et rusée qu’il a initiée pour qu’elle devienne la Dame du
Lac, une nouvelle incarnation de cette Déesse des Commencements, entité divine
dont l’ombre gigantesque se répand à travers les arbres de la forêt de
Brocéliande.
    Car la Dame du Lac aura pour mission d’initier à son tour celui
qui, tout en n’appartenant pas à la Table Ronde, en sera l’incontestable moteur,
Lancelot du Lac, le meilleur chevalier du monde, image héroïsée du dieu
celtique Lug, le Multiple Artisan, le dieu hors fonction parce qu’il possède
toutes les fonctions divines. Le schéma mythologique demeure intact à travers
les métamorphoses du récit. Arthur et ses chevaliers sont des réactualisations
des anciens dieux Tuatha Dé Danann, les peuples de la déesse Dana de la
tradition irlandaise primitive : ce sont des dieux de lumière qui tentent
d’organiser le monde. Mais, dispersées dans l’ombre des vallées ou quelque part
dans le brouillard, les silhouettes inquiétantes des Fomoré, forces obscures du
mal et de l’inconscient, s’agitent et sont prêtes à se jeter en travers de l’action
divine. En fait, le monde n’existe que par l’opposition entre ces deux
puissances, ou plutôt entre ces deux potentialités : c’est l’éternel
combat entre l’Archange de Lumière et le Dragon des Profondeurs, et c’est l’équilibre
entre ces deux potentialités qui assure la continuité de la vie. Le roi Arthur
se trouve au centre d’une spirale qui se déroule et s’enroule au rythme d’une
respiration cosmique à travers laquelle est mis en œuvre le souffle divin.
    Ainsi s’engage une fantastique partie d’échecs. Le roi, qui
est la pièce essentielle du jeu, demeure immobile ; mais il est le garant
de l’harmonie, l’équilibrateur du monde. Autour de lui vont s’agiter les
cavaliers, qui partiront en expédition pour agrandir le royaume, les fous qui
illumineront le combat de leurs étincelles paradoxales, les tours qui
protégeront la forteresse du roi. Et puis, il y aura la reine, toute-puissante,
se déplaçant en tous sens, véritable détentrice de la Souveraineté, parce qu’elle
est à l’image de la grande déesse-mère universelle. En l’occurrence, elle
portera le nom symbolique de Guenièvre, en gallois Gwenhwyfar ,
c’est-à-dire « blanche apparition », ce qui indique suffisamment son
rôle sacré. Arthur l’épousera en une sorte d’union hiérogamique qui n’a même
rien à voir avec une histoire d’amour : et c’est autour de la reine que se
dérouleront les lignes de forces, c’est dans les yeux de la reine que les
chevaliers viendront puiser leur prouesse. Plus que jamais, la Femme est
omniprésente dans cette épopée à la gloire de la prouesse masculine, car elle
est la seule à pouvoir susciter la prouesse. Plus que jamais, « la femme
est le devenir de l’homme », comme l’affirmera Hölderlin. Et cela justifie
amplement les nombreuses figures féminines qui surgissent à chaque instant du
difficile périple des chevaliers de la
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