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Les chevaliers de la table ronde

Les chevaliers de la table ronde

Titel: Les chevaliers de la table ronde
Autoren: Jean Markale
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s’organise le cycle légendaire
arthurien, et à laquelle s’appliquent les règles sophistiquées de la monarchie
de droit divin, le principe énoncé par saint Thomas d’Aquin fait force de loi : a Deo per populum , « Issu de Dieu à
travers le peuple ». Il ne suffit pas d’être reconnu par Dieu pour être
roi, il faut également l’être par le peuple, et Arthur, même s’il brandit l’épée
flamboyante Excalibur, qui lui est incontestablement confiée, ne peut exercer
sa fonction royale que s’il est accepté par le peuple, autrement dit par les
princes de ce monde dont il n’est en dernière analyse que le primus inter pares , le princeps ,
la « tête », le « premier entre ses égaux ». Et tel n’est
pas le cas au début de cette aventure chargée de significations diverses où se
mêlent les données sociologiques, les impératifs politiques, les spéculations
métaphysiques et les croyances religieuses. Arthur, même élu de Dieu, n’est
rien sans ses pairs, car il n’est ni un despote à la mode orientale ni un
dictateur à la mode romaine, il est un roi, un homme qui, au sens étymologique
du terme indo-européen dont le mot roi est issu, doit rayonner autant qu’il le peut sur le royaume et sur
ceux qui le constituent.
    C’est dire le rôle essentiel du roi dans cette organisation
sociale que tentent de mettre au point les concepteurs de la légende. L’origine
celtique d’Arthur ne fait plus aucun doute [1]  : il porte sur lui, quel
que soit son degré d’intégration à l’image de la royauté chrétienne médiévale, des
caractéristiques qui sont à rechercher dans les structures spécifiques des
sociétés celtiques anciennes. Il est le pivot du royaume, lequel s’organise
autour de lui. Mais lui-même est statique  :
une fois qu’il a prouvé sa valeur, sa conformité avec l’idéal, une fois qu’il
est apparu dans tout son « éclat », il peut se dispenser d’agir
lui-même, confiant la mise en œuvre de l’action à ceux qu’il juge capables de
la mener à bien. Et dans ce rôle de pivot, il est aidé par le druide, son alter ego d’ordre spirituel pour ne pas dire magique :
le druide et le roi forment le sommet de la pyramide sociale des anciens Celtes,
reconstituant ainsi le duo mythologique indo-européen Mitra-Varuna, le premier
étant le dieu des contrats juridiques et de l’équilibre statique, le second le
dieu qui dérange systématiquement l’ordre établi dans le but d’assurer l’évolution
constante de la société. Le roi et le druide sont le Lieur et le Dé-lieur, et
rien ne peut se faire sans eux. Or, dans la légende arthurienne, ils sont
présents d’une façon incontestable : ce sont Arthur et Merlin.
    Et c’est à eux qu’incombe la lourde charge de refaire le
monde, soit d’organiser, dans un cadre contemporain, donc chrétien (il ne peut
en être autrement dans l’Europe occidentale des XI e – XV e siècles), une société idéale de type horizontal,
caractéristique du système celtique, bâtie sur des rapports interindividuels
qui ne sont jamais en opposition avec les rapports entre les individus et la
collectivité. Le roi n’est jamais un tyran aveuglé par une soif de puissance :
il n’est que la cristallisation des pulsions de ceux qui gravitent autour de
lui, telle une étoile aux multiples planètes, chacune de celles-ci évoluant
selon son rythme propre, sa trajectoire spécifique, circulaire ou en ellipse, sa
coloration, sa luminosité, sa masse et ses vibrations. Et l’ensemble forme un
système cohérent dans son apparente incohérence. D’où l’importance du symbole
de l’ours dans cette histoire : le nom d’Arthur provient d’un mot celtique
qui signifie « ours », et, effectivement, tout au long de ses aventures,
il est tantôt en période d’activité, tantôt en période de latence, d’hibernation,
ce qui justifie les nombreux rebondissements de l’épopée. Mais outre ce
symbolisme terrestre, Arthur acquiert une dimension cosmique lorsqu’on en fait
– symboliquement – l’étoile Arcturus et qu’on l’intègre au « Chariot »,
c’est-à-dire à la Grande Ourse. Ce symbolisme zodiacal n’a pas échappé aux
conteurs du Moyen Âge, pas plus d’ailleurs qu’aux auteurs des figures du Tarot,
pour lesquels il ne faisait aucun doute que l’arcane VII, dit « le Chariot »,
est une représentation d’Arthur, dans sa signification la plus profonde et
aussi la plus
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