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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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mois dans la Tour. Ensuite l’on m’a mis en geôle à Winchester, puis à Ashford… Nous étions plus de cent…
    — Je sais de quoi tu parles, dit Barbeyrac. N’as-tu jamais tenté de t’évader ?
    — Quatre fois. La proximité de la mer nous en donnait envie. Une nuit, je suis parti avec un jeune hutin que Derby avait pris à Poitiers… Berland.
    Ogier reçut le coup sans broncher, mais demanda :
    — Herbert Berland ?
    Loïs de Saveuse sourcilla :
    — Oui… Le connais-tu ?
    Il était inutile de révéler : « C’est le demi-frère de mon épouse, mais je ne l’ai jamais vu. » Ogier usa d’un ton des plus léger pour répondre :
    — Non… J’en ai ouï parler. Qu’en est-il advenu ?
    — J’ai été repris. Pas lui… À dire vrai, je ne l’aimais guère. Il était outrecuidant comme un coq… Seigneur ! tout ce que ces Goddons ont pu m’humilier !
    Barbeyrac souriait : lui aussi avait enduré la malfaisance anglaise. Il évitait d’en parler. D’ailleurs, son long séjour auprès de Calveley avait tempéré un jugement sévère.
    — Sous quelle obédience étais-tu, Argouges, à Crécy [7]  ?
    — Celle du duc d’Alençon.
    Loïs de Saveuse hésita, puis :
    — J’étais dans la bataille de Godemar du Fay, qui s’enfuit au gué de la Blanche-Tache.
    — J’étais à la Blanche-Tache et j’ai vu ce goguelu s’escamper.
    — Nous aurions pu nous rencontrer… Quand cet estour [8] fut achevé, j’ai rejoint l’armée du roi Philippe… et j’ai vu ce que tu as vu : la jactance, l’impéritie… Tout !… J’ai été jeté à bas de mon cheval à mi-pente du Val-aux-Clercs… Une sagette dans l’épaule mais, en tombant, je m’étais démis un genou… Alors vint lentement la nuit du samedi au dimanche. Nul n’osait crier ni jupper ni renommer aucune enseigne… Les Anglais allumèrent en leur ost grand’foison de falots et tortis pour repousser l’obscurité. Ils se mirent à chercher les navrés de France pour les occire. Ils avaient grande liesse au cœur, grande joie quand ils voyaient l’un de nous remuer. Je me tenais aussi roide qu’un mort près d’un seigneur de chez nous qui allait trépasser. «  Qui es-tu ? » lui ai-je dit. « Jean IV d’Harcourt. » Et deux ribauds s’approchèrent, le percemaille au poing. Le plus jeune se pencha et dit : «  Tu vas mourir ! » Mais l’autre lui saisit la main. «  N’en fais rien ! » C’était Godefroy d’Harcourt, ce renié ! J’aurais dû m’en douter en le voyant clocher !… Son frère a expiré dans ses bras. J’ai été emmené au logement des Anglais. À l’aube, dans la bruine du dimanche, les communiers de Rouen, de Beauvais et de moult autres cités se boutèrent entre eux, croyant avoir affaire à des Goddons, Gallois, Cornouaillois… Et ceux-ci arrivèrent… Nouvelle boucherie !
    — T’ont-ils emmené à Calais ?
    — Non, au Crotoy livré à la fureur du Despenser [9] . Lui et sa mauvaise gent venaient d’occire quatre cents hommes d’armes… Heureusement, Godefroy d’Harcourt veillait sur moi : il me remit à William Brewster qui, dès lors, me considéra comme sa prise… En quelque sorte, je lui dois la vie ! Et vous, comment vous ont-ils attrapés ?
    — Moi, dit Ogier, je donnais l’assaut à la tour de Sangatte.
    — Moi, dit Étienne de Barbeyrac, je me suis fait prendre à Auberoche.
    — Méchante guerre !
    — Eh oui, compère. Pour les vaincus, les guerres sont toujours affreuses.
    Loïs de Saveuse se pencha et cracha dans la mer.
    — Ce dont j’ai le plus souffert, dit-il, c’est de la déconfiture terrible en laquelle je me sentais. Un immense besoin de compassion me serrait le cœur. Il s’aggrava quand, au Crotoy, des femmes de tous âges me couvrirent d’outrages et m’accusèrent de n’avoir pas été présent avec l’armée pour les défendre d’un viol qui n’avait pas rabattu leur jactance. À Crécy, l’on m’avait décrié ; au Crotoy, le fait que Godefroy d’Harcourt fût en ma compagnie me valut d’être considéré… Ce qui eut pour effet d’accroître ma rançon !
    — Godefroy le Boiteux aurait pu demander ton élargissement.
    — Il ne le fit point. Je n’ai aucune gratitude à lui devoir.
    — Sais-tu qu’il est revenu dans le giron du roi de France ?
    — On me l’a dit. Je suis demeuré incrédule. Or, tu me le confirmes et je te crois aisément. Il s’est montré courtois envers
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