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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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d’Angleterre.
    — Vous y établirez vos coursiers ainsi que ce sommier dont je vous fais présent. Cette George est conçue pour escliper [2] des chevaux. Le roi, parfois, y prend place [3] .
    Ils s’exprimaient tous péniblement. L’absence les blessait avant même qu’elle eût été consommée. Ils s’employaient d’autant mieux à dissimuler une sorte de déplaisir sans nom qu’ils savaient qu’ils ne se reverraient jamais. Ils ne comprenaient pas ce qui leur advenait. Ils s’étaient crus à l’abri des émois de toute sorte et ils en éprouvaient un. C’était à la fois réconfortant et terrible.
    « Parle ! Parle ! » s’enjoignit Ogier.
    La salive lui manquait. Et les idées. Il parvint à se secouer et même à sourire :
    — Nous te sommes reconnaissants, Hugh, de ta générosité. Grâce à toi, nous atteindrons vélocement Gratot, puis Rechignac. Étienne verra plus tôt que prévu son Alix.
    — C’est peu de chose, en vérité, dit Calveley. Vous avez, sur ce sommier, vêtements et nourriture…
    — … ainsi que mon long bow préféré, que j’ai échangé contre le tien, Ogier, ajouta Shirton. Il y a aussi un plein carquois de sagettes. Tu en auras l’emploi si ton épée défaille ou pour atteindre des ennemis hors de sa portée… à condition qu’ils ne soient pas Anglais !
    Ogier étreignit vigoureusement l’archer. Il le baisa sur les joues, au risque de recevoir un coup de bec de Tom indigné par cette accolade.
    — Je ne regretterai pas Bunbury, dit Barbeyrac. Un an sans femme chez toi, Calveley, après deux ans d’abstinence dans les geôles d’Angleterre, c’est trop pour quelqu’un qui n’a pas la vocation ecclésiastique.
    Trente soudoyers servaient à Bunbury. Peu de temps après Ashby, Calveley y avait accueilli une douzaine de servantes, jeunes pour la plupart. Elles étaient arrivées un matin, conduites par deux gros sergents à mines d’eunuques. Il semblait que le manoir eût été soudainement peuplé de ces femmes par la nécessité des hommes ; en fait, elles vaquaient aux travaux domestiques lorsque les mâles s’éloignaient pour la chasse ou l’exercice des armes auxquels les deux Franklins devaient participer. La nuit, on entendait leurs chants mêlés au grésillement des pluies. Toutes ces voix suaves semblaient se désaltérer de cette eau glacée, mordicante, qui, cessant de tomber vers la mi-décembre, avait cédé le ciel à la neige, cela jusqu’à fin mars. Comment ne pas supposer que Calveley voulait accroître, par la continence et la proximité des jupons, l’appétit de volupté de ses guerriers afin qu’il s’exacerbât lors des sièges des cités et des châteaux ?
    — Une vie de Templiers, Hugh ! dit Ogier.
    — Vos épouses m’en auront de la reconnaissance.
    — Crois-tu ? demanda Barbeyrac. Je crains, revoyant la mienne, d’être plus emprunté qu’un puceau !
    Calveley sourcilla, mais pour une autre affaire :
    — Ce que nous appelons seth then the pestilence… la peste noire, the black plague , désole le continent. On dit qu’il n’y a plus un seul être vivant à Marseille. La Langue d’Oc et Barcelone sont atteintes…
    Barbeyrac toucha Ogier de son coude et, clignant de l’œil :
    — Sais-tu pourquoi, compère, il nous veut effrayer ?
    — Certes !… Pour nous conserver près de lui.
    Ils rirent, mais sans entrain. Si cette peste dévoreuse de vies humaines existait, ils étaient désarmés pour la combattre.
    — Nous verrons bien… dit Ogier.
    Cette épidémie ne l’effrayait point : elle était immatérielle et lointaine. Une fois embarqué, il n’y penserait guère. Et puis, des remèdes devaient exister. Il n’allait pas enténébrer la joie de son retour avec des craintes sans réel fondement.
    — Montez à bord, dit Calveley, et sachez-le : la peste est aussi chez nous.
    — Qui va nous mener en France ?
    — Guillaume Piers, maître de la nef royale appelée la Robinet. Il a dû prendre la George, qui est meilleure coursière, pour je ne sais quelle mission difficile à Calais.
    — Calais… dit Barbeyrac.
    — Eh bien, quoi ? s’étonna Calveley. Vous n’espériez pas débarquer à Cherbourg ?
    — Cela m’eût satisfait : en une nuit de chevauchée, j’étais rendu à Gratot.
    — Laissez faire le temps, messire, dit Shirton.
    « Il me donne soudain du vous et du messire… à moins qu’il ne s’adresse à nous deux. »
    Bien que la voix de
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