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L'envol du faucon

L'envol du faucon

Titel: L'envol du faucon
Autoren: Axel Aylwen
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élevé sur les rives du Chao Phraya. Mais à présent la côte était invisible ; pis encore, il se demanda quel serait l'appétit des requins. En tout cas la mer serait calme, à en juger par l'absence de vent. Si seulement il savait dans quelle direction se trouvait le rivage, il pourrait s'enfuir avant que le bateau ne s'éveille et que la visibilité ne permette à une vigie à la vue perçante de le repérer dans l'eau... et de donner l'alarme. Mais oseraient-ils lui tirer dessus ? Oseraient-ils tuer l'ambassadeur du grand roi qu'ils prétendaient venir honorer ? Tout dépendrait de leur désir de sauver les apparences.
    A Brest, il avait vu les cales du bateau se remplir de trésors pour le Seigneur de la Vie : grands miroirs de cristal, lustres ornés, tables de marbre, écritoires d'acajou, tapisseries d'Aubusson, pistolets incrustés de pierres précieuses, fusils et épées, horloges sophistiquées et globes pivotants, montres en or, selles et harnais de cuir, armures complètes, sans oublier une magnifique couronne d'or sertie de diamants, de rubis, d'émeraudes et de perles et trois portraits grandeur nature du Roi-Soleil lui-même. A quoi rimait tout cela ? S'agissait-il de présents destinés à consoler la cour de Siam de l'annexion de son empire ? Les Français tenaient bien entendu à faire savoir que la totalité des mille quatre cents hommes à bord — des mathématiciens aux cordonniers, du plus humble fantassin jusqu'au maréchal de France — étaient eux-mêmes des présents du roi de France destinés au service du Seigneur de la Vie. Il était furieux à l'idée que le Seigneur de la Vie avait placé sa confiance en ces gens-là.
    Lentement, la brume commença à se lever, et Kosa décida que le moment était venu. Entre les requins, les mousquets et la distance à parcourir, il était loin d'être certain du succès de sa tentative. Mais il était sûr d'une chose : il n'avait pas d'autre choix.
    Il s'apprêtait à traverser le pont quand il entendit des pas s'approcher. Il battit précipitamment en retraite dans l'écoutille et se baissa, l'oreille aux aguets. Qui pouvait être sur le pont à pareille heure ? Le jour se levait à peine et les officiers ainsi que l'équipage dormaient encore paisiblement. Le bruit se rapprochait. Kosa Pan se releva un peu pour avoir ses yeux noirs et bridés au niveau du pont. Il distingua les silhouettes de deux hommes qui arpentaient le pont en parlant d'une voix étouffée. Même dans cette lumière incertaine, il n'y avait pas à se tromper sur la première. Ce dos très grand, dégingandé, ces épaules voûtées ne pouvaient appartenir qu'à un seul homme : Simon de La Loubère, ambassadeur plénipotentiaire de la cour de Versailles et chef nominal de l'expédition française. Kosa Pan serra les poings. S'il avait bien jugé de la situation, l'arrogant envoyé était l'insidieux instrument de Louis XIV dans le plan français d'annexion du Siam. Kosa le vit tirer avec irritation sur le col de sa veste. Bien que contrarié de ne pas trouver la voie libre, Kosa Pan éprouvait un étrange réconfort à voir les gestes du Français : ils indiquaient que le climat du Siam réussirait bientôt ce que le scorbut et sept mois de traversée éprouvante n'avaient pas suffi à accomplir. Déjà, en effet, malgré l'heure matinale, la chaleur et l'humidité augmentaient rapidement. La mousson saperait le peu d'énergie qui restait aux troupes françaises. Les deux hommes, qu'un mât gigantesque semblait rapetisser, atteignirent l'extrémité du pont et firent demi-tour. Voilà qu'ils arrivaient à proximité de l'échelle, discutant avec passion. Kosa se baissa encore plus et tendit l'oreille : après un séjour de six mois en France, son français était suffisant.
    Le compagnon de La Loubère était plus petit et plus trapu ; dès que Kosa le vit gesticuler, il reconnut Claude Cébéret du Boullay, l'un des douze directeurs de la Compagnie française des Indes orientales, chef et mentor de l'expédition en matière de commerce.
    « Croyez-moi, les hommes sont physiquement épuisés, disait Cébéret avec force gestes. Nous devons les faire débarquer avant de subir d'autres pertes.
    — Oui, dès que Tachard rentrera », affirmait La Loubère. Il leva les yeux vers le ciel où l'obscurité se dissipait lentement et jura. « Ce sera bientôt le quatrième jour ! »
    Le Siamois écoutait, jouissant en secret du mécontentement du Français. C'était vrai. On
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