Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
cesser de saluer à gauche et à droite les gens qu’il connaissait maintenant très bien. Il n’y avait rien de mieux que de posséder une épicerie pour faire partie de la vie d’un quartier et jamais il n’avait regretté sa décision de quitter le Manitoba pour poursuivre son rêve.
    Si Jan n’avait pas été étonné de se retrouver propriétaire de l’épicerie située à l’angle des rues Gilfordet Saint-André, il avait été renversé d’apprendre qu’il possédait aussi six logements boulevard Saint-Joseph. Il avait presque été chagriné que M. Favreau ne lui en eût jamais glissé un mot, interprétant ce mutisme comme un manque de confiance. Il savait pourtant ce que M. Favreau aurait pu lui dire. «Quand un fils prend la relève, il faut qu’un homme se trouve d’autres activités. Et quand un homme a un fils, il lui faut tout faire pour lui laisser une bonne sécurité. M me Favreau m’a forcé à occuper mes dix doigts, sans quoi elle me quittait pour retourner chez sa mère. Pas rassurant quand on sait que sa mère est décédée depuis des lustres.» Jan avait confié la gestion des logements à Michelle, question de la mêler davantage à ses affaires, et ils avaient quitté le logement exigu qu’ils habitaient au-dessus de l’épicerie pour s’installer dans un de leurs immenses six-pièces, à l’angle de la rue Drolet et du boulevard. Michelle en avait été ravie. Elle avait maintenant une pièce à elle pour toutes ses activités et avait aménagé un coin du sous-sol en salle de jeu pour Nicolas. Elle y avait orné les murs de photographies encadrées de Pépinot et Capucine, Bobino, Monsieur Surprise et tous les autres héros des émissions de télévision enfantines.
    La circulation à l’intersection de la rue De Bleury était extrêmement dense et Jan comprit que les gens se dirigeaient déjà vers le lieu de leurs réjouissances. Il accéléra le pas, ne voulant pas rater Élisabeth qui devait certainement s’apprêter à partir pour le réveillon chez Florence.
    Jan ressentit une pointe de tristesse. Il n’avait jamais compris que sa sœur n’eût pas trouvé de second mari. S’il avait toujours eu la certitude qu’elle avait fréquentéce docteur Boisvert, jamais elle ne lui en avait soufflé mot. Il s’était rassuré en se disant qu’Élisabeth ne lui aurait pas caché une chose aussi importante, ne lui aurait jamais menti. Jan haussa les épaules, s’enguirlandant silencieusement. Il n’avait jamais été certain de rien. Sa sœur avait, depuis dix ans, le teint frais du bonheur. Elle n’avait que rarement fait allusion à Marek. Quant à Étienne, il habitait maintenant Montréal, travaillant à Radio-Canada, boulevard Dorchester, et si Élisabeth l’avait croisé par hasard à deux reprises, elle n’avait jamais pensé l’inviter.
    Jan vit enfin la maison d’Élisabeth probablement au même moment qu’il aperçut Denis Boisvert monter en deux sauts les six marches de l’escalier. Il aurait voulu demeurer indifférent, s’encolérer ou se réjouir de ce dont il venait d’être témoin, mais il en fut incapable. Au lieu d’être heureux que sa sœur ne fût peut-être pas seule, Jan en fut attristé comme s’il venait de perdre un des plus importants morceaux de sa vie. Il mit dans sa poche de poitrine le petit paquet à l’emballage encore humide, contenant une broche en forme de violon, et rebroussa chemin.
    Nicolas n’avait apparemment pas quitté la fenêtre, étant au même endroit qu’à son départ. Jan le vit bondir de joie et ne put s’empêcher de sourire malgré la turbulente trajectoire de ses pensées.
    – Nicolas, viens-tu à la messe de minuit à pied avec moi?
    – Oui! Oh oui!
    – On marche, Jan?
    Michelle avait l’air étonnée de la proposition de son mari, mais, devant le délire de son fils, elle s’en excita elle aussi. C’est donc en riant sous une neige de plusen plus drue qu’ils se rendirent à l’église, où Nicolas ne résista pas à l’appel du sommeil, la tête oscillant entre la poitrine moelleuse de sa mère et le bras musclé de son père.

2
    Jerzy ferma les yeux de plaisir en entendant la voix de son fils, que ses douze ans n’avaient pas encore muée, chanter l’
Adeste fideles
. Anna lui prit discrètement la main et la serra doucement. Sophie, elle, avait un solo à la messe du jour, et Jerzy et Anna se demandaient comment elle ferait pour rester éveillée. Elle avait à peine dormi durant la
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher