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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles
Autoren: Arlette Cousture
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qu’il avait toujours regardé en avant.
    Nicolas continuait de s’agiter, frappant la vitre du plat de la main. Jan lui fit un signe avant de s’engager sur le boulevard Saint-Joseph en direction ouest, vers la rue Nelson où habitait encore sa sœur. Il respira profondément, ayant toujours trouvé que l’hiver canadien sentait le propre. Il aimait respirer ainsi son pays d’adoption, mais malheureusement s’en offrait rarement l’occasion, trop accaparé par ses épiceries. Il en possédait maintenant trois et cherchait à en acquérir deux autres avant un an. M. Favreau, n’ayant survécu que deux ans à son épouse, était décédé en 1959, lui léguant tout son avoir.
    Un automobiliste perdit le contrôle de son véhicule et dérapa dangereusement, faisant un tête-à-queue et montant sur le trottoir tout près de Jan qui entendit les passagers crier de surprise et de peur. L’automobile s’immobilisa enfin à un mètre de lui et Jan sentit son cœur complètement affolé. Il fit un pas de côté et perdit un peu l’équilibre, échappant le présent d’Élisabeth dans la neige. La seule chose qu’il abhorrait en hiver, c’était les pertes de contrôle que cette saison occasionnait: chutes sur le trottoir, dérapage des automobiles, paralysie due aux tempêtes. Il ramassa le cadeau, enleva la neige et vit que le papier d’emballage, humecté, avait gonflé.
    Les réflexions de Jan reprirent leur cours et il repensa au décès de M. Favreau. Il avait inconsciemment serré les lèvres et plissé le front, s’essuyant la bouched’une main énervée. Le départ de M. Favreau l’avait rendu encore plus orphelin qu’il ne l’était depuis le décès de ses parents et il en avait éprouvé un chagrin sans nom. Pendant des jours et des mois, il en avait perdu le sommeil et l’appétit au point d’en inquiéter Michelle. Il avait cherché dans toutes les convictions qui lui restaient encore les arguments qui auraient pu lui prouver que M. Favreau avait été un homme heureux. Il avait compris que ce dernier n’avait eu que sa femme comme raison d’être. Maintenant que lui-même avait un enfant, il voyait davantage la futilité et l’absurdité de la vie. Ses parents n’avaient jamais pu récolter ce qu’ils avaient semé, et M. Favreau, lui, n’avait jamais pu être à l’origine d’un germe. Finalement, Jan s’était légèrement consolé en pensant à la joie débordante de M. Favreau, quelques jours avant son décès, lorsqu’il avait appris que le Canada avait décidé de rendre à la Pologne les trésors qui lui avaient été confiés au début de la guerre.
    «Enfin, Jan, enfin, la Bible de Gutenberg va retrouver l’air du pays!
    – L’air de la Pologne pue le charbon à plein nez, monsieur Favreau.
    – Ici aussi, Jan. Ici aussi, ça sent le charbon.
    – Moins...»
    M. Favreau avait feint de ne pas l’entendre.
    «Je suis certain que tes parents auraient été ravis, complètement ravis de savoir que les originaux des partitions de Chopin sont aussi rentrés au bercail. Élisabeth t’en a-t-elle parlé?
    – Pas vraiment...
    – Ah bon!»
    M. Favreau avait changé de ton en parlant de ce M. Joseph Polkowski, le gardien du trésor, qui, pendant treize ans, avait tout fait pour empêcher Ottawa de le rendre à la Pologne. Il s’était étouffé de colère en parlant de Maurice Duplessis, le Premier ministre de la province, qui, lui, retenait toujours ce qui avait été conservé au Québec, alléguant que jamais il ne remettrait des biens à des communistes.
    «À des “communistes”, Jan. Il se prend pour qui, lui, pour retenir ce qui appartient aux Polonais? C’est du vol!»
    Jan respira profondément avant de sourire avec beaucoup de tendresse. Il venait d’imaginer que M. Favreau et Maurice Duplessis s’étaient rencontrés devant le bureau de saint Pierre, les deux étant décédés le même jour de septembre 1959. Il était certain que, si tel était le cas, M. Favreau avait influencé l’esprit de Duplessis puisque, peu de temps après, les négociations avaient repris et qu’au tout début de l’année 1961 la totalité du trésor retenu au Québec avait été rendue. Jan avait lu dans les journaux que plus d’un demi-million de Polonais étaient allés à Varsovie pour regarder ces pièces de leur passé. Il s’était demandé si soixante millions de dollars de souvenirs avaient mis en lumière leur pauvreté.
    Jan traversa le boulevard Saint-Laurent sans
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