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L'énigme des vampires

L'énigme des vampires

Titel: L'énigme des vampires
Autoren: Jean Markale
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engageant celui-ci à y participer, et à en bénéficier, moyennant
un véritable « pacte avec le diable », est révélateur des intentions
de Balzac, et surtout de ses liens avec une tradition populaire. Les
personnages de la Comédie humaine ne sont pas
des créations ex nihilo du romancier, mais des
« matérialisations » d’êtres divins ou diaboliques dans une société
déterminée d’une époque ancrée dans un temps précis, celui de la Restauration
et de la monarchie de Juillet.
    Si l’on cerne davantage le Vautrin balzacien, on peut
élargir l’identité du personnage avec le Diable médiéval et entrer de
plain-pied dans le mythe. C’est un chapitre des Illusions
perdues qui en donne la clé. Un autre héros de la Comédie humaine , lamentable et émouvant, Lucien
de Rubempré, après avoir perdu toutes ses illusions, après avoir brûlé sa vie
sans en tirer quoi que ce soit de profitable, se trouve acculé au suicide. Survient
alors monseigneur Carlos Herrera, évêque de circonstance et authentique gredin
puisqu’il s’agit de Vautrin. Il va sauver Rubempré de la mort, du moins dans l’immédiat.
Il va lui proposer ce qu’il a proposé sans succès à Rastignac (déjà perverti, déjà
diable lui-même, donc autonome). Il a tous les pouvoirs, toutes les séductions,
toutes les tentations . Rubempré acceptera le
marché. Mais dans sa faiblesse et dans sa bêtise inhérente à sa naïve vanité (alors que Rastignac est un orgueilleux conscient),
il devient la victime de Vautrin, lequel en fera sa « chose », l’être
dans lequel il puisera le sang symbolique qui lui est nécessaire pour survivre
lui-même. Car Vautrin ne peut mener son action déstabilisatrice du monde qu’en pompant l’énergie des créatures qui sont à sa merci .
C’est ce qu’on dit être l’action du Diable, de Satan, de Lucifer, du Malin, de
l’ Ennemi , d’après toutes les traditions tant
populaires que théologiques. Et Lucien de Rubempré périra plus tard d’avoir
trop donné à Vautrin, tandis que celui-ci, se tirant d’affaire, se trouvera de
nouvelles victimes, de nouvelles réserves d’énergie. Vautrin est bien un des
aspects que prend le vampire dans une société bourgeoise et policée du XIX e  siècle, en Europe occidentale.
    On pourrait multiplier les analyses de ce type et l’on découvrirait
à chaque fois de nouveaux éléments d’appréciation, voire des évidences
surprenantes. Certes, l’Antinéa qui règne sur l’ Atlantide de Pierre Benoit n’est qu’un aspect de la Circé à laquelle se confronte Ulysse
dans l’ Odyssée  : l’image de la « vamp »
du cinéma contemporain en découle directement, et ce n’est pas par hasard qu’on
a donné ce nom de « vamp » aux héroïnes fatales. Mais qui oserait
découvrir dans le Rivage des Syrtes de Julien
Gracq un chemin initiatique, véritable ascèse religieuse au milieu du silence
et de l’immobilité des marécages, vers la demeure de la Déesse des
Commencements, la Déesse-Mère, la Vénus primordiale, la Vierge des Vierges, présentée
ici sous le nom et l’aspect de la princesse Aldobrandi ? Et qui affronterait
le ridicule de reconnaître dans le pleurnichard roman de Jean-Jacques Rousseau, la Nouvelle Héloïse , le thème si répandu de
Tristan et Yseult, celui de l’Homme-Lune et de la Femme-Soleil, dont la
rencontre amoureuse – et fulgurante – ne peut s’accomplir véritablement que
dans la mort ?
    D’ailleurs, si l’on prend la peine de jeter un regard
objectif sur ce qui est communément classé comme « épopée », on parvient
à la même conclusion : épopée et roman sont deux résultats apparemment
différents de l’expression d’un mythe originel. Des textes comme l’ Odyssée , l’ Énéide , la Chanson de Roland , la
Mort du roi Arthur , le Kalevala , et
autres productions soi-disant surgies de la tradition populaire, ne sont que
les expressions d’un mythe à une époque déterminée et dans un contexte
socioculturel déterminé. Il en est de même pour la littérature dite romanesque,
avec, en plus, des prétentions littéraires nettement avouées et une volonté non
moins affirmée de personnalisation de l’auteur. Ce qui différencie le roman de
l’épopée, c’est que des motivations intellectuelles, voire élitistes, viennent
se superposer à la trame mythologique primitive, débouchant sur une psychologie
à l’image de l’époque de l’écriture et qui tente
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