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L’élixir du diable

L’élixir du diable

Titel: L’élixir du diable
Autoren: Raymond Khoury
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m’a ouvert de nouveaux mondes, dit-il à Alvaro. Ce que tu viens d’éprouver n’est que le début. Tu ne peux pas t’attendre à ce que je tourne le dos à une telle révélation.
    — Tu le dois, insista Alvaro. Rentre avec moi. Tout de suite, avant qu’il ne soit trop tard. Et nous n’en parlerons plus jamais.
    Eusebio sursauta de surprise.
    — Ne plus en parler ? Mais c’est uniquement de ça que nous devons parler. Nous devons l’étudier, le comprendre, le maîtriser, afin de pouvoir le rapporter chez nous et le partager avec les nôtres.
    La stupéfaction envahit le visage d’Alvaro.
    — Le rapporter ? ! rétorqua-t-il, crachant les mots comme du poison. Tu veux parler aux gens de ce… de ce blasphème ? !
    — Ce blasphème peut nous apporter la lumière.
    Alvaro fut indigné.
    — Eusebio, prends garde, fit-il d’une voix sifflante. Le diable a planté ses griffes en toi, avec son élixir. Tu risques de te perdre, mon frère, et je ne peux rester sans réagir et le permettre, ni pour toi ni pour aucun autre membre de notre foi. Je dois te sauver.
    — J’ai déjà franchi les portes du Ciel, vieil ami, répondit Eusebio avec sérénité. Et d’où je suis, la vue est magnifique.
     
    Il fallut cinq mois à Alvaro pour faire parvenir un message à l’archevêque et au vice-roi résidant à Mexico, recevoir leur réponse et rassembler ses hommes, de sorte que c’était l’hiver quand il s’aventura de nouveau dans les montagnes à la tête d’une petite armée.
    Munie d’arcs, de flèches et de mousquets, la troupe mêlant Espagnols et Indiens grimpa les contreforts de la sierra par des sentiers accidentés, escarpés, couverts d’épais buissons. Les torrents hivernaux avaient coupé les pistes qui serpentaient sur le flanc de la montagne et des branches poussant à l’horizontale en travers du chemin rendaient la progression encore plus difficile. On les avait mis en garde contre les pumas, les jaguars et les ours qui peuplaient la région, mais les seules créatures vivantes qu’ils rencontrèrent furent les vautours voraces zopilotes qui planaient au-dessus d’eux en attendant un banquet sanglant, et les scorpions qui hantaient leur sommeil agité.
    A mesure qu’ils montaient, le froid devenait plus vif. Les Espagnols, habitués à un climat plus chaud, souffraient terriblement. Ils passèrent les journées à lutter contre les pentes rocheuses humides et les nuits à attiser leurs feux de bivouac, jusqu’à ce qu’ils approchent enfin de la forêt dense enveloppant le village où Alvaro avait laissé Eusebio.
    A leur surprise, ils découvrirent que les sentiers sinuant entre les arbres étaient barrés par d’énormes troncs manifestement abattus par les indigènes. Craignant une embuscade, le commandant de la troupe ordonna à ses hommes de ralentir l’allure. Après trois semaines d’efforts et de tourments, ils atteignirent le village.
    Il n’y avait plus personne.
    Les Indiens et Eusebio avaient disparu.
    Alvaro ne renonça pas. Il exhorta ses hommes à continuer, les éclaireurs indigènes suivant les traces de la tribu à travers la montagne jusqu’à ce qu’ils parviennent, au quatrième jour, devant une profonde barranca au fond de laquelle coulait une rivière grondante. Une corde et un pont en bois enjambaient naguère le ravin.
    Ils avaient été coupés.
    Il n’y avait aucun autre moyen de traverser.
    Consumé de rage et de désespoir, Alvaro fixait les cordes qui pendaient au bord du précipice.
    Il ne revit jamais son ami.

Mexique, 2006
    — Appuie sur cette putain de détente et dégage ! aboya Munro dans mes écouteurs. Bouge-toi le cul ! Il faut qu’on décroche ! MAINTENANT !
    Je m’en doute, merci !
    Mes yeux tanguaient au rythme des rafales qui résonnaient dans tout le camp, parfois brèves, parfois frénétiques et sauvages. Dans mon casque, j’entendis un cri de douleur et je compris qu’un des huit membres de notre commando venait d’être abattu.
    Tiraillé entre deux instincts contradictoires, mon corps se figea. J’accordai un nouveau regard à l’homme recroquevillé par terre, la cuisse barrée d’une grande balafre sanglante. Un visage couvert de sueur, emmuré dans l’angoisse, des lèvres tremblantes, des yeux écarquillés de peur, comme s’il savait ce qui l’attendait. Je serrai le poing sur mon arme, un doigt sur la détente, l’effleurant sans appuyer franchement, comme si elle était brûlante.
    Munro avait raison. Il
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