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Le vétéran

Le vétéran

Titel: Le vétéran
Autoren: Frederick Forsyth
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cru vous perdre, ma petite.
    Assis sur son rocher, le shérif regardait l'hélicoptère qui revenait le chercher. Dans l'air immobile, il le vit approcher à plusieurs miles et entendit le grondement furieux des hélices qui 350
    lacéraient l'atmosphère. quand Jerry se posa, Lewis fit signe à son adjoint qui occupait le siège avant.
    - Prends deux couvertures et suis-moi là-bas ! cria-t-il lorsque les hélices se furent ralenties. qu'il vienne lui aussi ! Le jeune homme tordit le nez.
    - Vous savez, shérif...
    - Ne discutez pas ! Il a été un homme et il mérite une sépulture chrétienne.
    Le squelette du cheval gisait sur le flanc. Le moindre fragment de peau, de chair, de muscle ou de tendon avait été arraché depuis longtemps. Il ne restait plus un crin de sa queue ni de sa crinière : les oiseaux avaient d˚
    en faire leur nid. Mais les dents, limées par le fourrage dru des plaines, étaient toujours plantées dans les m‚choires. Si la bride pourrie tombait quasiment en poussière, le mors d'acier brillait encore entre les dents.
    Les quatre sabots étaient demeurés intacts, tout comme les fers placés autrefois par un maréchal-ferrant de l'armée.
    Le squelette de l'homme se trouvait à quelques mètres, étendu sur le dos comme s'il était mort en plein sommeil. Rien n'avait subsisté de ses vêtements, sinon quelques lambeaux de daim moisi qui restaient collés à ses côtes. Dépliant une couverture, l'adjoint du shérif y déposa les ossements sans en oublier un seul. Le shérif retourna près des objets qui avaient jadis appartenu au cavalier. Le vent et les intempéries d'innombrables saisons avaient réduit à un tas de cuir pourri la selle, les sangles et les sacoches. Parmi ces restes se cachaient les étuis d'une poignée de cartouches en cuivre. Le shérif Lewis les emporta avec lui. H découvrit aussi un couteau de chasse mangé par la rouille et les vestiges d'un fourreau orné de perles qui s'effritèrent sous ses doigts. L'étui en peau de mouton qui abritait naguère un fusil de pionnier avait été déchiqueté

    par le bec des oiseaux, mais l'arme reposait sur le sol gelé, enrayée par une rouille ancienne mais reconnaissable quand même. Ce qui l'étonna le plus, ce fut la hachette, ainsi que le carquois, ses deux flèches et l'arc en bois de cerisier, effilé aux deux bouts et muni d'encoches pour tenir la corde. Tous avaient l'air extrêmement récents. Attachées à la hache, se trouvaient une boucle de ceinture et une vieille lanière en cuir résistant qui avaient bravé les éléments.
    Le shérif emporta l'ensemble, enveloppé dans la deuxième 351
    T
    couverture, et s'assura qu'il n'avait rien oublié avant de monter dans l'hélicoptère. Son adjoint s'était installé à l'arrière avec le second ballot. Pour la dernière fois, le Jetranger prit son essor, survola les deux plateaux et l'épaisse forêt du parc national sous le soleil matinal.
    Le shérif plongea son regard vers Lake Fork englouti sous la neige. Il faudrait organiser une expédition pour aller chercher les disparus, mais il savait bien que personne n'avait survécu. Contemplant les rochers et les arbres, il s'interrogeait sur le jeune homme qu'il avait traqué sur ces terres implacables. ¿ mille cinq cents mètres d'altitude, il pouvait voir Rock Creek et les voitures qui circulaient de nouveau sur la 212, après qu'on eut déblayé le pin abattu et les débris. quand ils passèrent au-dessus de Red Lodge, Jerry contacta le policier qui était resté là. Il l'informa que la jeune fille était aux soins intensifs, mais que son cour battait toujours.
    A quatre miles au nord de Bridger, comme ils suivaient l'autoroute qui allait vers Billings, Lewis distingua cent arpents de prairie calcinée.
    Vingt miles plus loin, il put regarder les pelouses bien tondues et les longhorns primés du Bar-T Ranch. Après avoir franchi la Yellowstone et l'autoroute qui menait vers Boze-man à l'ouest, l'hélicoptère descendit en piqué et se rapprocha du sol. H se posa enfin sur l'aérodrome de Billings.
    - Celui qui est né de la femme ne fait que passer sur cette terre.
    En cette fin février, il faisait un froid mordant dans le petit cimetière de Red Lodge. On venait de creuser une tombe tout au fond, et un cercueil en bois de pin sans prétention reposait sur des planches. Le pasteur s'était emmitouflé contre le froid et les deux fossoyeurs qui patientaient à ses côtés frottaient énergi-quement leurs mains
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