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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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leurs yeux.
    N’oublie pas : il n’y aura nulle pitié. La grâce ne l’atteindra
pas, il n’en veut pas. Résiste.
    Au moment où elle formulait cette admonestation, une
certitude ahurissante lui traversa l’esprit : Florin s’amusait. Aussi
aberrante que l’idée paraisse, ce n’était pas l’argent et certainement pas la
foi qui menaient Florin. C’était le goût du supplice. Il aimait déchirer,
lacérer, éventrer. Il aimait faire hurler ses proies. Elle était son nouveau
jouet.
    Un flot de bile lui envahit la gorge et un sanglot la plia.
    Clémence... Clémence, mon ange, bénis-moi d’un miracle.
Mérite le miracle. Résiste !

 
Château d’Authon-du-Perche, septembre 1304
    Joseph réprima sa satisfaction. Ce jeune Clément apprenait
avec une facilité rare et manifestait ses émerveillements avec tant de naturel
que le vieux médecin juif d’Artus d’Au-thon en était flatté.
    Pourtant, il avait fallu toute la persuasion de l’enfant et
l’insistance du comte pour qu’il l’acceptât en apprentissage. L’idée de devoir
expliquer, seriner, faire entrer la beauté de la science dans ce jeune crâne le
fatiguait d’avance.
    Joseph avait été vite surpris par l’étendue des
connaissances que Clément avait d’ores et déjà assimilées. Il s’était même
emporté, lui intimant l’ordre de faire silence, lorsqu’il énonçait des vérités
médicales connues d’un nombre restreint de savants et qu’il valait mieux taire
si l’on souhaitait éviter les représailles religieuses.
    — Et pourquoi faudrait-il mentir lorsque l’on connaît
une vérité si bonne qu’elle pourrait éviter souffrances et mort ?
    — Parce que la connaissance, c’est le pouvoir, mon
enfant, et que ceux qui la détiennent n’entendent pas la partager.
    — La détiendront-ils toujours ?
    — Non. Vois-tu, la connaissance, c’est comme de l’eau.
Ferme les doigts sur elle aussi fort que tu le peux, elle s’évadera toujours
goutte à goutte.
    Les semaines avaient passé et Joseph s’était laissé séduire
par cet esprit vivace, peut-être aussi par l’envie, l’espoir de transmettre un
savoir immense qu’il craignait de voir disparaître avec lui.
    Pourquoi avait-il quitté Bologne, sa prestigieuse université ?
Il était assez honnête pour admettre qu’une sotte arrogance l’avait poussé. Salerne
et Bologne avaient été à l’origine de la traduction des œuvres des grands
médecins grecs, juifs, arabes. En dépit de l’afflux colossal de connaissances
que ces textes enfin compréhensibles avaient généré, le reste de l’Occident
persistait dans des pratiques qui devaient davantage à la superstition qu’à la
science. Joseph s’était peu à peu convaincu qu’il serait le messager de cette
révolution médicale. Il se trompait. Il s’était installé à Paris en 1289. Il
avait cru que son art, son vœu de le répandre pour le bien de tous le
protégeraient de l’antisémitisme généralisé qui sévissait en France. Il se
trompait encore. Un an plus tard, l’affaire du Juif Jonathas [6] , accusé d’avoir craché sur une hostie
consacrée  – bien que les prétendus témoins du crime fussent incapables de
préciser les conditions dans lesquelles ladite abomination s’était déroulée
 –, rallumait le brasier. Les Juifs redevenaient les ennemis de la foi, au
même titre que les Cathares. Aux humiliations de rues, aux mesures
discriminatoires du pouvoir s’était ajoutée la peur d’être lapidé par une foule
hostile, prête à les mettre en pièces en toute impunité. Abandonnant ses biens,
il avait pris comme tant d’autres les chemins de l’exil. Il pensait rejoindre
la Provence et sa tolérance, où les siens profitaient enfin d’une tranquillité
qu’ils espéraient, à tort, durable. Mais l’âge avait rattrapé Joseph et son
périple s’était arrêté en Perche. Il avait posé quelques années son maigre
bagage dans un petit bourg non loin d’Authon-du-Perche, se rendant aussi
transparent que possible, soignant parfois  – sans utiliser tout son
savoir de crainte d’éveiller les soupçons  – tellement mieux que les mires
et médecins locaux que sa réputation était parvenue jusqu’au château. Artus l’avait
fait mander. Joseph s’était exécuté, non sans appréhension. Le grand homme
taciturne et dévasté qui se tenait devant lui l’avait considéré en silence
durant quelques minutes avant de déclarer :
    — Mon fils
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