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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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éclairait
brièvement une forme tassée dans un coin, inerte, peut-être endormie, peut-être
morte.
    — Nous n’avons que peu l’habitude des dames de votre
qualité, ironisa Florin. Néanmoins, bien que moine, je reste homme du monde.
Nous vous avons donc réservé l’une des trois cellules de secret.
    Nulle courtoisie n’avait présidé à ce choix, Agnès en fut
convaincue. Il souhaitait la priver de tous contacts, même avec des codétenus
qui n’étaient certes pas en position de la réconforter. Pour la première fois,
elle se demanda s’il ne la craignait pas. Sottises. Que pourrait-il redouter de
sa part ?
    Le sol s’inclinait en pente douce et ils progressèrent sous
les voûtes, dépassant les cachots et les pauvres créatures malmenées et
terrorisées qu’ils retenaient. Les souliers d’.Agnès s’enfonçaient maintenant
dans une vase épaisse. Sans doute s’approchaient-ils de la rivière. Un froid
humide et malsain la faisait grelotter et l’idée qu’elle allait bientôt se
trouver seule, enfermée dans cette pestilence, entamait sa volonté de ne rien
laisser transparaître de sa peur. Étrange. La présence m,aléfique de Florin
commençait à lui sembler préférable au vide peuplé de terreurs qui l’attendait.
Quelque chose de gluant enserra soudain sa cheville et elle hurla. Un garde se
rua vers elle, la tirant sans ménagement, puis asséna sa grosse chaussure à
semelle de bois sur une main... Une main ensanglantée qui pendait entre les
barreaux d’une des cages. Un gémissement s’éleva. Un murmure se termina en
sanglot :
    — Madame... il n’est nul salut en ce lieu. Mourez,
madame, mourez vite.
    — Quel enfantillage, pesta Florin. (Puis, d’un ton
redevenu guilleret, il conseilla à l’homme dont on ne distinguait qu’une forme
avachie contre la grille :) Prie... mais prie en silence, tu nous as assez
malmené les oreilles de tes cris !
    Elle demeura figée à deux pas de la cage, tentant de percer
la pénombre contre laquelle les chandelles luttaient inefficacement. Étaient-ce
des yeux, ces deux trouées bleues dans ce qui ressemblait à une bouillie
rougeâtre ? Était-ce une bouche, cette plaie à vif ?
    — Mon Dieu... gémit-elle.
    — Il nous a abandonnés, répondit le murmure souffrant.
    — Blasphème ! glapit Florin en la tirant par la
manche de son manteau. Et ça jure de son innocence !
    Quelques mètres encore, puis une porte si basse qu’on ne
pouvait la franchir que plié en deux. Nul judas. Un des gardes tira le gros
verrou et s’effaça. L’inquisiteur précéda Agnès et annonça, enjoué :
    — Votre appartement, madame. (Puis, soudain empli d’une
tristesse aimante, il ajouta :) Croyez-moi, ma fille, rien ne vaut la paix
du silence pour mettre son esprit en ordre. Vous aurez ici le loisir de
réfléchir, de vous amender, je l’espère. Mon vœu le plus cher est de vous aider
à rejoindre la lumière du Seigneur. Je donnerais ma vie pour sauver votre âme
égarée.
    La porte claqua, le verrou protesta. Elle était seule,
debout dans une obscurité totale. Elle progressa lentement, glissant un pied
après l’autre pour rejoindre l’espèce de bat-flanc qu’elle avait eu le temps d’apercevoir.
Elle s’y laissa tomber lorsque son mollet le heurta.
    Une vague de panique la secoua. Elle bagarra contre l’envie
de hurler, de se ruer vers la porte pour la cogner de toutes ses forces en
suppliant que l’on revienne la chercher.
    Et s’ils prétendaient l’oublier ? Et s’ils la
laissaient mourir de soif et de faim ? Et s’ils patientaient jusqu’à ce qu’elle
devienne folle pour la déclarer possédée ?
    Cet homme, cette victime qui avait emprisonné sa cheville
pour la conjurer de mourir très vite. Lui savait. Il savait les années d’emprisonnement
préalable qui pouvaient s’éterniser une vie durant sous prétexte de compléments
d’enquête. Il connaissait les privations, les humiliations, les semaines de
tortures. Il avait appris la peur et la certitude que l’on ne ressortait
presque jamais d’entre les mains de l’Inquisition.
    Tais-toi ! Il attend de toi que tu renonces. Il attend
que tu permettes à ta vie de fuir de toi. Résiste, c’est un ordre ! La
baronne de Larnay, madame Clémence aurait tenu tête. Tiens tête !
    Si tu avoues, tu pourriras ici jusqu’à ce que mort s’ensuive
et Mathilde et Clément t’y suivront. Il se débrouillera pour te déclarer
relaps, le pire des crimes à
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