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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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dans cette longue bataille qu’elle se préparait
à mener ? Elle avait perçu l’inexplicable hostilité de cet homme vis-à-vis
d’elle, son déplaisir aussi.
    Clément, faut-il que ce soit ton âme encore enfante qui me
protège toujours ? Grâce à lui, Agnès savait que Florin utilisait la
première ruse des inquisiteurs, l’un de leurs multiples artifices.
    Plusieurs mois auparavant, en juillet, à la presque nuit,
Clément était rentré bouleversé de l’une de ses fréquentes équipées. Il était
déjà tard et Agnès avait rejoint ses appartements. La fillette avait gratté à
la porte, quémandant quelques minutes d’entrevue.
    Non, ne jamais évoquer Clément autrement que comme un
garçon, au risque de commettre une bévue qui mettrait leurs deux vies en péril.
Conserver l’habitude de n’en parler qu’au masculin.
    L’enfant avait gratté à la porte, quémandant quelques
minutes d’entrevue. Il venait de découvrir un Consultationes ad inquisitores
haereticae pravitatis [2] rédigé
par Gui Faucoi, qui deviendrait conseiller de saint Louis, puis pape sous le
nom de Clément IV, accompagné d’un mince manuel pratique, ou plutôt d’un
recueil d’épouvantables recettes. Il avait bafouillé :
    — Madame, madame... si vous saviez... tout n’est que
traquenards, menteries pour obtenir des aveux, même fallacieux.
    Il était écrit en exergue du petit manuel : « Que
tout soit fait pour que l’accusé ne puisse se proclamer innocent afin que nul
ne puisse penser que la condamnation était injuste... [3] »
    — Quelle monstruosité, avait-elle murmuré, incrédule.
Mais il s’agit d’un jugement de Dieu... Comment peuvent-ils ? Où as-tu
déniché ces ouvrages ?
    L’explication de l’enfant avait été embrouillée. Il avait
mentionné une bibliothèque puis fait habilement dévier l’insistance d’Agnès.
    — J’y ai vu un signe de Dieu, madame. Connaître les
roueries de ses ennemis, les anticiper, c’est ne pas tomber dans les pièges qu’ils
sèment sous vos pas.
    Il lui avait raconté les chausse-trapes, les procédés d’intimidation,
d’humiliation destinés à briser les résistances les mieux trempées, les
machinations, les manipulations de témoignages. On interrogeait de pauvres gens
sur des points de doctrine chrétienne. Qu’ils ne sachent répondre n’aurait dû
surprendre personne, pourtant, leur ignorance devenait la preuve de leur
hérésie. Clément avait également passé en revue les rares recours des accusés.
Fort peu d’entre eux les sollicitaient, ne les connaissant pas. Ainsi l’appel
au pape, lequel avait toute chance d’être égaré, bien souvent à dessein, sauf
lorsqu’un puissant s’en faisait le messager jusqu’à Rome. On pouvait également
requérir la récusation de l’inquisiteur, au prétexte qu’il vouait une animosité
particulière à l’accusé. Cependant, la procédure était à double tranchant
puisqu’elle faisait l’objet d’un arbitrage et que fort peu des arbitres nommés
souhaitaient se mettre à dos un inquisiteur ou l’évêque associé à la procédure.
    Clément avait achevé de lui ôter ce qu’il restait à sa dame
d’illusions en précisant que les inquisiteurs pouvaient percevoir un salaire
mais que la plupart d’entre eux se rémunéraient sur la confiscation des biens
des condamnés. Ils n’avaient donc nul intérêt pécuniaire à ce que ces derniers
soient innocentés et les proies aisées, bien que plus difficiles à abattre,
étaient un gibier convoité.
    Cette connaissance, qu’il avait acquise elle ne savait trop
où, avait permis à Agnès de forger ce qu’elle espérait être ses armes les plus
fiables pour aujourd’hui affronter Florin.
    La première fourberie consistait donc à intervertir les noms
et les déclarations des témoins. On attribuait la dénonciation du premier au
cinquième, celle du deuxième au quatrième, celle du troisième au premier...
Ainsi l’accusé se défendait-il maladroitement contre chacun de ses accusateurs.
Plus efficace encore, on ajoutait aux noms des véritables délateurs ceux de
gens n’ayant jamais témoigné contre eux. Toutefois, la méthode la plus subtile,
la plus imparable et la plus prisée revenait à demander à l’accusé, au détour d’une
conversation, s’il se connaissait des ennemis mortels capables de se parjurer
pour le faire tomber. S’il ne citait pas les noms de ses accusateurs les plus
acharnés, on considérait
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