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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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tête.
    — Pardonnez-moi, messire, dit-elle très vite. Dans la nuit, je vous avais pris pour un des rustauds du village. Si vous pensez m'avoir gardée de quelque péril, je vous en suis humblement reconnaissante.
    À l'évidence, elle ne comprenait toujours pas.
    — Le sanglier, malheureuse ! s'exclama Philippe.
    La lâchant, puisqu'elle semblait savoir nager, il contempla à nouveau la rive déserte. Où était donc passée la bête ? Un long moment lui fut nécessaire pour remarquer que le silence régnait dans le sous-bois : s'il était toujours poursuivi, c'était avec une discrétion peu caractéristique des vieux solitaires.
    — Quel sanglier, messire ? interrogea la femme, timide.
    — Il était juste derrière moi. Ne l'as-tu pas entendu ?
    Il sut ce qu'elle allait répondre avant même qu'elle n'ouvrît la bouche.
    — Je n'ai rien entendu du tout, hormis vos pas.
    Philippe la considéra attentivement pour la première fois. Tout en constatant qu'elle nageait de fait à la perfection, il découvrit un visage jeune et non dépourvu d'attraits, encadré par la longue chevelure claire qu'avait libérée le capuchon. Qui était-elle ? Elle ne s'exprimait pas comme une paysanne mais n'avait pas non plus l'allure d'une noble dame. Une bourgeoise de Compiègne attendant quelque amoureux secret ? Ces cheveux dénoués frôlaient la vulgarité.
    — Venez, messire, l'encouragea-t-elle. Regagnons la berge, puisqu'il semble que votre sanglier se soit enfui.
    Le garçon crut percevoir un peu d'ironie dans sa voix, mais il s'abstint d'en faire la remarque. S'il était convaincu de n'avoir pas rêvé – il n'était pas sujet aux rêves éveillés –, il comprenait qu'on pût croire le contraire. Lui-même n'avait pas vu l'animal lancé à ses trousses : peut-être n'avait-il jamais été en danger, après tout. Peut-être les démons de la forêt n'avaient-ils cherché qu'à l'effrayer. Leur succès l'humiliait à ce point qu'il était anxieux d'oublier l'incident. Déjà, il savait qu'il n'en parlerait à personne.
    Mi-nageant, mi-marchant, il rejoignit la rive sur laquelle la femme venait de se hisser souplement. Elle lui tendit la main et l'aida à sortir de l'eau avec une vigueur étonnante pour une personne aussi frêle.
    — Ah ! çà, vous voilà dans un bel état, mon damoiseau ! s'exclama-t-elle en contemplant les habits lacérés et trempés de Philippe, ses heuses crottées. Qu'a-t-il bien pu vous arriver avant que le méchant sanglier ne vous effraie à ce point ?
    Cette fois, l'ironie était nette, d'autant qu'elle s'accompagnait d'un sourire indéniablement narquois.
    — Tais-toi donc, femme ! Sais-tu bien à qui tu parles ? Je suis Philippe, le fils de Louis, ton roi.
    L'affirmation eût sans doute été plus impressionnante sans les reniflements qui l'entrecoupaient, mais la jeune inconnue n'en écarquilla pas moins les yeux avant de se laisser tomber à genoux, tête basse.
    — Je vous supplie de pardonner ma hardiesse, sire, dit-elle. Je ne suis qu'une pauvre fille stupide.
    Voilà qui était mieux. Le garçon négligea de lui rappeler que ce « sire » était un peu prématuré : il ne s'en fallait que de quelques jours.
    — C'est bon, reprit-il, magnanime. Relève-toi. Tu vas me conduire au château de mon père.
    À présent qu'il était hors de l'eau, le vent tiède qui agitait imperceptiblement les feuilles lui semblait une bise hivernale. Sous peu, faute de se sécher, il allait se mettre à trembler de tous ses membres.
    — Vous conduire maintenant ? s'étonna la femme en se remettant sur ses pieds. (Elle, quoique aussi trempée que lui, ne semblait pas souffrir du froid.) Vous n'y songez pas ? De nuit, je ne trouverais pas mon chemin et nous finirions tous deux égarés.
    — Ne résides-tu pas à Compiègne ?
    — Non, sire. J'habite ici même, dans cette forêt, et ma demeure est vôtre, pour indigne de vous qu'elle soit, car vous ne pouvez rester ainsi dehors, à attraper la mort.
    — Si je suivais la rivière, je ne me perdrais point, objecta Philippe.
    — Mais il vous faudrait parcourir dix lieues au moins avant de sortir des bois, et alors, vous seriez encore loin du but. Non, croyez-moi : mieux vaut que vous quittiez ces habits trempés et que vous dormiez bien au chaud. Demain, dès l'aube, si vous le souhaitez, je vous guiderai.
    Il n'hésita guère. Ne s'était-il pas décidé, un peu plus tôt, à passer la nuit dans la forêt ? Une
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