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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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Renaud n'eût pas suivi le même chemin que lui. À la chasse ou à l'entraînement, dès qu'il était question de compétition, ils ne suivaient jamais le même chemin.
    L'imprudent bouffon, quel qu'il fût, allait apprendre qu'on ne tournait pas impunément Philippe de Gonesse en ridicule. Sur la pointe des pieds, tentant sans grand succès d'étouffer le bruit de ses pas, le garçon retourna près de la branche coupée, dont il s'empara comme on empoigne un gourdin. Puis il attendit, le souffle contenu.
    Ainsi qu'il l'avait espéré, le gémissement suivant s'éleva à deux pieds de lui, au cœur d'un bouquet de hautes fougères. Sans attendre, Philippe abattit son bâton. Son premier coup ne fit que faucher les larges feuilles dentelées et labourer la terre, mais il n'en asséna pas moins quatre à cinq autres, ignorant les ondes de choc qui martelaient ses bras meurtris chaque fois que la branche heurtait le sol, avant d'admettre qu'il avait manqué sa cible.
    Dès qu'il cessa de frapper, l'étrange plainte monta du buisson où elle s'était d'abord fait entendre. Voilà qui sonnait trop comme une raillerie pour ne pas en être une. Il serra les poings. Malgré la fraîcheur du soir, il transpirait à grosses gouttes et, seule, l'obscurité dissimulait à quel point son visage naturellement rubicond s'était empourpré. Délaissant la ruse, il marcha à grands pas vers les ronces, le bâton levé, sûr de ne pouvoir trouver le repos avant d'avoir rompu quelques os.
    Un nouveau gémissement s'échappa, plus modulé que les précédents, presque ironique – et si près de lui que Philippe crut deviner l'endroit exact où se tenait le mauvais plaisant. Au moment même où le garçon allait user de son arme improvisée, un ululement tout proche lui fit tourner la tête vers les cimes. Sa distraction fut de courte durée, mais lorsqu'il rabaissa les yeux, ce fut pour voir le buisson se ruer à la rencontre de son visage, apparemment poussé par la créature massive qu'il recouvrait, tandis que retentissait un cri puissant, à mi-chemin entre ceux de l'ours et du loup.
    Quand Philippe se rendit compte qu'il hurlait, lui aussi, mais de peur, il avait déjà bondi en arrière, perdu l'équilibre et atterri sur son séant, dans une posture fort peu digne. Honteux de sa frayeur, il se remit debout aussitôt et, résistant à l'envie de regarder autour de lui pour savoir si nul n'avait observé cette scène embarrassante, empoigna son bâton à deux mains afin de répondre à l'assaut.
    Rien.
    Les broussailles soulevées étaient retombées en place ; le fourré avait retrouvé son immobilité ; le cri sauvage s'était éteint en même temps que celui du garçon.
    Ce dernier contemplait les ronces le cœur battant, les yeux écarquillés. D'un coup, la sueur qui le couvrait n'était plus brûlante mais froide, comme si on lui avait déversé un seau d'eau sur la tête. Il ne comprenait pas, et cela l'effrayait plus que si un animal s'était jeté à sa gorge.
    Le rire léger et haut perché qui fusa dans son dos faillit lui arracher un second hurlement. Il pivota d'un quart de tour afin de voir venir le danger sans cesser de surveiller les ronces.
    Mais derrière lui non plus, rien ne bougeait.
    Tandis que le hibou ululait à nouveau, par deux fois, Philippe tira son poignard de chasse, se maudissant de ne pas s'être encombré d'une épée – bien qu'il commençât à soupçonner qu'elle ne lui eût guère servi.
    — Qui est là ? lança-t-il encore. Montrez-vous !
    Y avait-il une ou plusieurs créatures ? Il n'eût su le dire. Y en avait-il une, seulement ? N'était-il pas victime de quelque sorcellerie ? Tout ce qu'il avait entendu raconter sur les êtres mystérieux tenant du Diable leurs pouvoirs maléfiques et traquant les Chrétiens lui revint, accompagné d'images d'horreur variées. Démons, esprits malins, garous, gobelins, lutins, sorciers, Sarrasins même se bousculaient en lui dans un beau désordre, s'amalgamaient pour tracer le portrait de monstres tenant de tous ou d'aucun, qu'il imaginait tapis autour de lui.
    Le danger adopta une forme différente, bien plus familière.
    Lorsqu'il se manifesta, Philippe ne s'en rendit pas compte immédiatement. Le sang qui lui battait les tempes l'empêcha d'entendre le martèlement de sabots avant qu'il ne fût tout proche.
    Le garçon blêmit. Pas une seconde, il n'imagina qu'approchait un sauveur providentiel : si la chasse lui avait appris une chose,
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