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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny
Autoren: Monique Demagny
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l’évoquer, mais quand il fréquentait les demoiselles des théâtres il rencontrait souvent son beau-frère d’Etiolles qui s’y consolait. Il contint mal son envie de protester. Jeanne ne lui en laissa pas le temps et continua sa diatribe.
    — Laissons cela, j’ai bien d’autres soucis vous concernant. Il faut penser à votre charge future, vous y préparer. Vous aurez à encourager les beaux-arts, cela ne se fait pas au hasard. Il vous faudra faire le tri entre le beau et le médiocre, vous devrez trancher, décider. Vous n’aurez jamais le droit de vous tromper. En êtes-vous capable ?
    — Je m’entourerai au mieux des compétences les plus…
    — Attention, mon frère, en ce pays-ci beaucoup de flatteurs entourent les gens en place et les louent volontiers des qualités qu’ils n’ont pas. On vous dira que vous avez choisi le meilleur, que votre jugement est sans faille, et derrière on vous éreintera. Vous devez acquérir vous-même les compétences en la matière, pour votre honneur, et pour le mien. Vous êtes jeune et vous avez déjà fait du chemin, trop de chemin au gréde certains. Il vous faut maintenant mériter la confiance que le roi vous a accordée. J’ai pris la résolution de vous faire faire un « grand tour », comme le font si sagement les jeunes gentilshommes anglais. Vous irez en Italie, vous nous en rapporterez des idées nouvelles.
    Abel fit la moue.
    — L’Italie ?
    — L’Italie.
    — Pourquoi pas. L’affaire ne présente aucune urgence…
    — Ne faites pas l’innocent ! Puisqu’il faut vous dévoiler le fond de ma pensée, il me semble également opportun de vous éloigner pour un temps de Versailles. Vous y avez trop d’ennemis.
    — Ce n’est point de mon fait.
    — En êtes-vous sûr ?
    — La jalousie suscite ces inimitiés. On m’attaque souvent. Avec autant de sottise que de mauvaise foi !
    — Peut-être mais vous répliquez trop vite, avec trop d’ironie, trop d’intelligence peut-être. Les gens n’aiment pas qu’on les ridiculise.
    — Il me faudrait courber l’échine ?
    — Non. Mais pour un moment il est mieux qu’on vous oublie un peu.
    Abel se tut un instant, il n’aimait pas le discours de sa sœur.
    — Je suis donc indésirable. Le roi…
    — Ne mêlez pas le roi à ce débat. Le roi vous apprécie et vous protège.
    — Si je dois m’éloigner de la cour, l’Italie n’est pas nécessairement…
    — L’Italie est le berceau de l’art.
    — Monsieur de Tournehem n’a pas fait le voyage.
    — D’autres l’ont fait dans le but même qui sera le vôtre. Le marquis de Seigneley, fils de Colbert, en est le meilleur exemple. Il faut tirer les leçons de l’histoire.
    — Colbert ? C’est bien loin !
    — Faut-il vous rappeler que Voltaire en fait grand éloge dans son Siècle de Louis XIV et que monsieur de Tournehem s’est toujours proposé de suivre en tout l’exemple de ce remarquable prédécesseur dans sa charge ? Croyez-moi, petit frère, ce voyage vous apportera beaucoup. Vous allez y acquérir des connaissances utiles pour développer les arts dans le royaume et les faire évoluer. C’est pour cette raison que je veux que vous le fassiez et sachez que je m’y résous comme à un sacrifice nécessaire.
    Abel fronça le sourcil. Que voulait-elle dire ? C’était bien de Jeanne d’exiger quelque chose et de s’en défendre. Jeanne connaissait Abel comme personne, elle savait deviner ses pensées. Elle sourit. Il fallait tout lui expliquer !
    — Je vais me priver de votre présence et vous savez qu’elle m’est précieuse.
    Il n’en fallait pas davantage pour qu’Abel oubliât son furtif mouvement d’humeur. Son visage s’apaisa et l’ancienne fossette qu’il avait tout enfant réapparut de façon fugace sur son visage.
    — Allez, dit Jeanne avec autant de douceur que de fermeté, puisque aujourd’hui vous êtes à Versailles mêlez-vous aux gens qui hantent cette demeure mais veillez à tempérer vos humeurs. Vous n’avez d’autrechoix que de les supporter. Non ! Ne protestez pas ! Songez plutôt que cette pénitence est la même pour eux. Ils sont obligés d’endurer votre présence parce que le roi le veut. Quand vous prendrez votre charge, bien armé par de nouvelles compétences, ils en seront marris. Toutefois, ne l’oubliez pas, ils ne cesseront jamais de tenter de vous abattre.
    Le jeune homme franchissait déjà le seuil quand une dernière recommandation
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