Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix du secret

Le prix du secret

Titel: Le prix du secret
Autoren: Fiona Buckley
Vom Netzwerk:
robe en damas rose était rangée, hier !
    — La reine vous attend après son souper. Elle veut sans doute prendre officiellement congé. Laissez-moi terminer, puis asseyez-vous, que je vous recoiffe. Le vent du fleuve vous a tout échevelée. Ensuite, je vous habillerai pour cette audience.
    — J’ai passé l’après-midi auprès de la reine. Elle ne m’en a pas soufflé mot…
    — Ma foi, les ordres viennent de dame Ashley.
    Kat Ashley était la première dame d’honneur, bien qu’elle ne nous eût pas accompagnés à la Tour. Si les ordres émanaient d’elle, il ne pouvait s’agir d’une erreur.
    Je m’inquiétais, pendant que Dale me préparait. Et si Élisabeth s’était ravisée et m’interdisait de partir ? À l’heure dite, un page vint me chercher, et je le suivis jusqu’au bureau de la reine. Le soir était tombé. La pièce était éclairée par des lampes et des chandeliers, car Élisabeth, quoique répugnant à la dépense, ne lésinait pas sur la lumière lorsqu’elle voulait lire : sa vue lui était trop précieuse. Elle était assise à sa table de travail, avec, ouverte devant elle, l’ Utopie de Sir Thomas More, cette description imaginative d’un État idéal. Quand le page me fit entrer, elle dit : « Bienvenue, Ursula », cependant elle termina le paragraphe qu’elle étudiait et quelques secondes passèrent avant qu’elle ne lève les yeux.
    Je restai donc à côté de la porte, contemplant sa tête courbée, le profil délicat souligné par le mur lambrissé. La lueur des chandelles jouait sur les fils d’argent de sa robe crème, sur les bagues ornant ses doigts fins et sur les crans de ses cheveux roux clair, sous le bonnet bordé de perles. Elle avait vieilli, ces deux dernières années. Une couronne est un bien lourd fardeau ! Toutefois, rien ne pouvait altérer ce curieux mélange de force et de fragilité qui était le propre d’Élisabeth, tel un flocon de neige fait d’airain.
    Je la craignais, comme presque tout le monde à la cour, cependant j’avais aussi de l’affection pour elle et je savais qu’elle m’en portait. Non seulement en raison de mon travail secret, mais parce que, jadis, ma mère avait servi la sienne, la pauvre Anne Boleyn, avant qu’elle ne fût décapitée. Elle glissa un signet dans son livre et se tourna, m’encourageant à avancer afin de mieux me voir.
    — Venez, Ursula. Je ne vous retiendrai pas longtemps. Vous partez, je crois, de bonne heure demain ?
    Elle ne m’avait donc pas convoquée pour revenir sur sa décision. Je fis ma révérence et répondis :
    — Oui, madame. Nous partons pour Southampton au point du jour. Nous formerons un groupe d’assez belle taille, car messire Blanchard emmène cinq serviteurs.
    — Il a peur ?
    — Oui, madame. Il pense qu’un groupe trop nombreux attirerait l’attention et passerait pour une provocation, mais une escorte restreinte lui semble peu sûre. Il a donc décidé de prendre cinq hommes.
    — Il en aura huit, trancha Élisabeth. Cecil vous fournit une escorte additionnelle de trois de ses gens, arborant sa livrée. Ils se présenteront au matin et feront route avec vous.
    — Trois valets de Cecil ? Messire Blanchard s’en réjouira. Mais… Y a-t-il une raison particulière ?…
    — Certes ! Ursula, avez-vous déjà passé une nuit blanche ?
    La voyant maintenant de tout près, je remarquai ce qu’elle avait réussi à cacher durant notre visite à la Tour : une extrême fatigue.
    — Oui, madame. Une nuit où le sommeil fuit, si fort que l’on aspire au repos.
    — En effet, vous parlez d’expérience. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit à cause de nouvelles très préoccupantes. Nous venons de montrer la puissance anglaise à de Quadra, toutefois l’Espagne n’est pas le seul nuage à l’horizon. La France se trouve dans une situation alarmante. En Champagne, en un lieu nommé Vassy 4 , un massacre a été perpétré. Deux cents protestants – là-bas on les appelle « calvinistes » ou « huguenots » – ont été assaillis par des catholiques alors qu’ils étaient en prière. La nouvelle nous est parvenue hier soir. Plus de trente personnes ont été assassinées. La guerre civile menace. Je n’ai pas dormi, Ursula, tant j’hésitais à vous laisser aller en France. Je l’interdirais, si je ne voulais vous charger d’une autre mission encore, que ce terrible événement rend plus vitale que jamais. Mais cela vous
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher