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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante
Autoren: Arnaud Delalande
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espoirs. Pas un seul de nos chers magistrats ne peut tenir une ligne cohérente ; et il n’y a pas un patricien, parmi ces corbeaux ignorants et décatis, pour empêcher la République de vieillir et de se perdre dans le vice, la licence et l’oubli du bien public. Campioni ne disait-il pas lui-même qu’il était impossible de faire entendre sa voix? Les intérêts privés l’ont emporté sur tout, je n’ai cherché qu’à avoir raison de cette gangrène. Je n’ai voulu qu’accélérer cette décomposition, pour nous offrir une autre chance. Oui, Pietro, crois-le bien : je n’ai fait tout cela que pour le bien de Venise ! Les Turcs sont endormis, mais le danger demeure. L'Espagne nous menace en permanence, et son alliance avec les papes nous mène depuis des années à la camisole! Ou que nous nous tournions, il était urgent de trouver des... des alternatives.
    — Des alternatives... comme von Maarken ! Laisse-moi rire! En signant un traité absurde avec un duc sans couronne, condamné par son propre pays !
    Emilio eut une exclamation de mépris.
    — Von Maarken et son rêve autrichien ont servi mes fins; mais lui aussi n’était qu’un pantin! Il est tombé dans les filets que je lui tendais, et j’ai utilisé sa folie jusqu’à ce qu’il s’y empêtre et se condamne lui-même. J’ai appris que tu l’avais tué, Pietro. En cela, tu n’as fait qu’accomplir ce que j’avais prévu pour lui. Mais abandonner le verrou de la mer à une autre puissance ? Comment pouvait-il un instant imaginer que je m’associais à ses délires de gloire impossible? Seulement, j’avais besoin de lui, de ses hommes et de ses concours financiers.
    — Tu es complètement fou, dit Pietro. Tu n’es rien d’autre que ce que tu prétendais combattre : un illuminé. Un fou dangereux.
    Vindicati sourit encore et s’arrêta.
    — Ah... quel dommage.
    Ses bras retombèrent le long de son corps. Puis il redressa le menton.
    — J’imagine donc que le moment de vérité est arrivé ?
    — Je l’imagine, en effet.
    Pietro tira l’épée, dans un chuintement de métal.
    — Eh bien..., dit Vindicati. Finissons-en.
    Une cape noire, brodée de fils d’argent, lui recouvrait les épaules. Il s’en défit d’un geste et la cape tomba derrière lui, au pied de l’autel. A son tour, il tira lentement l’arme qui pendait à son flanc.
    Pietro s’avança.
    Il ignorait qu’entre-temps le nain Féodor s’était dissimulé derrière l’un des piliers, dans la pénombre. Il s’y trouvait accroché, telle une araignée, à un mètre cinquante du sol. Lorsque Pietro parvint à sa hauteur, il sortit de sa cachette et bondit.
    Vindicati sourit.
    Pietro, surpris, reçut le poids de son adversaire de plein fouet. Déséquilibré, il bascula avec lui entre les travées. Féodor, se battant comme un diable, levait maintenant une dague au-dessus de lui. Il avait une force herculéenne, que sa taille ne laissait pas présager. Pietro poussa un cri de douleur lorsqu’il sentit la lame du poignard lui entailler profondément le bras, après avoir réussi à la dévier de son visage. Féodor n’avait pas dit son dernier mot ; de nouveau, le dard étincelant dansait au-dessus des yeux de Viravolta. Il sentait le souffle du nain contre lui, halètements ponctués d’exclamations rageuses. Son énergie décuplée par la douleur, Pietro parvint à remonter les genoux et à détendre violemment les jambes pour repousser Féodor loin de lui. Celui-ci fut éjecté des travées ; avec la souplesse d’un chat, il se remit d’aplomb et se ramassa sur lui-même, les yeux brillants, le poing toujours fermé sur sa dague. Le sang coulait du bras de Pietro ; sa chute lui avait abîmé l’épaule, du côté où il tenait l’épée ; il avait dû lâcher son arme, qui traînait un peu plus loin entre deux bancs de bois noir. Sa main tâtonnait à son flanc.
    Furieusement, Féodor bondit à nouveau.
    Il comprit trop tard. Pietro avait levé le bras vers lui, et Féodor vit un éclair. Une détonation résonna sous les voûtes ; Féodor fut de nouveau projeté en arrière. Il se retrouva au sol, se contorsionna brièvement, les mains crispées sur son ventre. Puis il roula une dernière fois sur lui-même, ses muscles se tendirent dans un spasme, et il se tut.
    Le bras de Pietro, veste et chemise déchirées, était toujours tendu devant lui. Féodor gisait dans son vêtement rouge, la collerette en bataille, remontée contre ses lèvres.
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