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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra
Autoren: Claude Izner
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claironna-t-elle.
    Victor identifia Eudoxie Maximova, ce succube langoureux qui, après avoir tenté de le séduire, était parvenu à dévergonder son père adoptif.
    — M. Mori est rue Drouot, répondit-il d'une voix altérée.
    — Dommage... Mais je manque à mes devoirs ! Voici un bon camarade, Tony Arcouet, clarinettiste à l' Opéra.
    — Et professeur d'harmonie au Conservatoire national de musique, précisa le gandin.
    — Bien sûr, Tony, bien sûr, affectez donc une passion littéraire et priez le commis de vous dégoter un ouvrage sur les ballets russes.
    — Je ne suis plus commis, protesta Joseph, je...
    — Cessez de palabrer, jeune homme ! J'ai à causer avec votre patron, allez, vous deux, ouste !
    Tony Arcouet s'exécuta. Joseph nota qu'il était pâle d'humiliation. Il l'entraîna au fond du magasin. Près d'une armoire vitrée comportant des collections d'objets exotiques, il avisa deux volumes in-16 reliés en maroquin rouge et, afin de se donner une contenance, ouvrit l'un d'eux. Le visage en feu, il le referma illico. C'était, à n'en pas douter, un achat de Kenji destiné à sa bibliothèque personnelle de livres érotiques. Tony Arcouet s'en empara, lut à voix haute le titre :
    Le Meursius françois 3 , ricana en détaillant une gravure libertine et constata :
    — On ne s'ennuie pas chez vous ! C'est une bonne adresse, je ferai passer le mot !
    Sans piper, Joseph se concentra sur Eudoxie Maximova qui dédiait un sourire enjôleur à Victor.
    — Ah, non, mon petit Legris, ne m'imposez pas une tête d'enterrement ! Je n'ai nullement l'intention d'enlever M. Mori à sa dulcinée. Il est chez lui oui ou non ?
    — Ma chère, faites comme si je n'étais pas là, cherchez, fouillez, l'appartement est à l'étage, rétorqua Victor en indiquant l'escalier à vis.
    Elle l'observa d'un air amusé.
    — Je suis une fille toute simple, Legris, je dis ce que je ressens et si je ne me comporte pas toujours de façon adéquate, c'est que souvent je suis dépourvue de jugeote. Vous lui remettrez ceci de ma part.
    Elle eut une moue ironique qui montrait qu'en dépit de son apparente modestie elle avait parfaitement conscience de ses atouts.
    « Elle me provoque, pensa Victor. Elle ne comprend rien à rien. Elle sait pertinemment que Kenji s'est mis en ménage ! »
    — Mme Kherson est ici, chuchota-t-il en désignant le plafond.
    — La mère de votre épouse vivrait-elle le tympan collé au plancher ? Nous ne faisons rien de répréhensible que je sache !
    Elle agita une enveloppe.
    Exaspéré par l'incurable légèreté d'Eudoxie, Victor pianotait nerveusement sur le comptoir sans esquisser le moindre geste.
    — Je compte sur vous, Legris. Ce sont deux invitations pour assister à une représentation de Coppélia à l'Opéra le 31 de ce mois. Je souligne : deux invitations, une pour Mme Djina Kherson, une pour M. Kenji Mori. Mon amie Olga Vologda me les a procurées, elle tient le rôle éponyme du ballet.
    Dissimulé derrière un amoncellement de cartons, Tony Arcouet écoutait leur conversation. Joseph tenta une diversion.
    — Vous jouez du piccolo ?
    — De la clarinette, grommela le chevelu, le regard mauvais.
    — Moi, je suis romancier.
    —En voilà une nouvelle ! Vous la connaissez, celle-là ? Elle est d'Aurélien Scholl : « Autrefois les bêtes se contentaient de parler, aujourd'hui elles écrivent. »
    — Je vous demande pardon ?
    — Je lis peu, jeune homme, je ne suis sensible qu'à la musique.
    — Ah ! Alors vous devez vous sentir gêné aux entournures dans cette librairie.
    — Effectivement, trop de poussière, ça me dessèche les bronches, c'est préjudiciable à mon souffle. Laissez tomber les ballets russes, mon vieux, j'en ai soupé !
    Il rejoignit Eudoxie et lui susurra :
    — Ma chère, il est tard, votre rendez-vous...
    — Je sais, je sais... Monsieur Legris, pourquoi suspecte-t-on une femme d'user de coquetterie parce qu'elle est indépendante ?
    Victor perçut une raillerie voilée sous cette tirade. Le considérait-elle comme assez stupide pour y prêter foi ?
    — Il ne s'agit pas de cela, dit-il d'un ton dégagé.
    — Oh, crotte ! J'en ai marre, à la fin ! Votre bras, Tony, nous partons.
    Tony Arcouet se précipita pour lui tenir la porte. Il se retourna et, sans cacher sa satisfaction, lança à la cantonade :
    — Messieurs, j'ai bien l'honneur.
    Joseph s'exclama :
    — Eh ben, elle en a du culot, cette ex-gambilleuse de cancan ! Son archiduc de mari devrait la
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