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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague
Autoren: Halter,Marek
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et où
l’on avait installé la bimah, le candélabre et le heikhal.
    Après la prière du soir, je passai une nuit sans sommeil,
rongé de doute et aussi d’un peu de colère. Je craignais que le Rema, si
facilement emporté par sa propre bonté, n’ait préjugé de celle du MaHaRaL.
Néanmoins, le lendemain, dans la première lueur de l’aube, après chaharit ,
la prière du matin, je retrouvai ma place inutile à l’entrée du klaus.
    Je m’épuisai à nouveau dans une lecture que ma tête confuse
ne parvenait pas à suivre. Probablement me suis-je endormi. Et soudain, au
milieu de la journée, quelqu’un s’est placé devant moi pour m’annoncer que le
Maître voulait me voir. En un rien de temps, alors que je ne croyais qu’à demi
ce que j’entendais, on me poussa dans une pièce tiède qui sentait l’encre de
noix, le suif et la poussière. Celui que le Rema avait appelé la Couronne des
Sages était là, me tournant le dos.
    Il était assis sur un gros siège de bois et de cuir. Devant
lui, un monceau de livres et de rouleaux, de boîtes de plumes et de sabliers
recouvrait une table poussée sous la lucarne. Presque malgré moi, au premier
coup d’œil, j’y repérai des cartes d’astres et des morceaux d’ardoise blanchis
de calculs géométriques.
    Après un moment, rabbi Lœw se leva pour me faire face. Je
fus étonné par sa haute taille il me dépassait d’une tête. La sienne était
sidérante. Cheveux et barbe en si grande abondance qu’on distinguait à peine la
chair de son visage. Pourtant, on ne pouvait échapper à son regard. Un feu gris
et doré. Très clair, très immobile. Au premier coup d’œil qu’il portait sur
vous, son esprit paraissait vous démembrer, devinant vos rouages, testant vos
mollesses et rigidités, s’immisçant jusque dans ces intimes obscurités que nous
nous dissimulons dans l’espoir de les oublier pour toujours.
    Les mots du Rema retentirent dans ma tête « Rabbi Lœw,
Rabbi lion ! »
    Son vêtement était simple : un immense caftan de lin
brun, brodé au cordon de soie noire sur les manches. Nous étions au début de
l’été et cela lui suffisait. Plus tard, quand le froid venait, il se recouvrait
d’une ou deux tuniques identiques et ne sortait qu’enveloppé d’un manteau de
velours, lourd et souple à la fois, se déployant et reployant dans une telle
profusion de plis à chacun de ses mouvements qu’on pouvait croire que c’était
là la pulsation de son souffle.
    Nous étions enfin face à face.
    Quand il acheva de jauger mon apparence, je lui tendis la
lettre du Rema. Elle disparut aussitôt, pas même ouverte, dans la manche de son
caftan. Il énonça pourtant mon nom comme s’il ouvrait un chapitre :
    — David Gans de Cracovie.
    Sa voix fut une nouvelle surprise. Basse, bien nette, plus
chaleureuse que je m’y attendais et possédant la vivacité d’une jeunesse qui
n’était plus visible.
    Subjugué, possédé par ma terreur, je répondis le plus
sottement possible.
    — David Gans, oui, Maître.
    — De la yeshiva du rabbin Moïse Isserles, n’est-ce
pas ? Que sa mémoire demeure.
    — Auprès de lui durant douze années et jusqu’à ce qu’il
monte vers l’Éternel, béni soit Son nom, oui, Maître.
    — Douze ans ! Aïe, aïe, aïe ! En douze ans,
on peut étudier beaucoup et en savoir peu.
    Cette fois je sus enfin me taire.
    — Rabbi Moïse était un homme bon, reprit-il en plissant
ses lourdes paupières. La bonté n’est pas toujours la meilleure voie vers la
sagesse. Mon enseignement n’est pas celui d’un homme bon.
    Je sus encore me taire.
    — Le Rema a écrit de nombreux ouvrages, le Torat
haOlam et le Mahalakh haKokhavim. Toujours plein de bonté. Ton
Maître aimait concilier les inconciliables. Moi aussi, j’aime ça. Quoique
certains disent que si le Rema avait la passion de la concordance, j’ai celle
de la discordance. Prendre chez les uns et chez les autres est aussi un savoir.
    Je persévérais dans la prudence du silence. Cela lui tira
une grimace.
    — Et la Tradition ? Que pensait-il de la
Tradition, rabbi Moïse ?
    — Que rien ne s’apprend en dehors d’elle, mais que le
Tout-Puissant ne cesse de nous donner des leçons pour la mieux comprendre. Le
Rema disait « Tous les savoirs embellissent la maison de Dieu, les petits
et les grands, mais l’échelle qui monte vers le Saint-béni-soit-Il est faite de
l’infinité de barreaux que notre ignorance n’a pas encore su
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