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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague
Autoren: Halter,Marek
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mais
l’aube suivante se lève comme s’ouvrent mes paupières et me signifie que ma
mission n’est pas encore accomplie.
     
    GOLEM !
    Voilà le mot et le feu de mon existence !
    Voilà le mystère qui a fait de moi ce guilgoul , cette
métamorphose, ce Juif errant sans autre demeure que la parole, qui va et vient
parmi vous, invisible dans vos foules et pourtant présent dans votre mémoire
des siècles, quelles que soient vos croyances, vos craintes et vos sciences.
    Voilà ce qui est arrivé ce jour de janvier 1600 dans la
cour de la yeshiva de mon maître le MaHaRaL, la lumière d’Israël, que son nom
soit béni. En ce jour, oui, la puissance de Dieu dans le pouvoir de l’homme
s’est montrée.
    Le MaHaRaL était parvenu au prodige des prodiges. Il avait
dressé l’échelle qui lie la Terre au Ciel. Quel effroi, quelle terreur !
    Quel inconcevable savoir !
    Et, depuis, ils sont légion ceux qui voulurent le suivre
pour seulement s’accaparer sa connaissance.
    Légions de l’innocence comme de l’orgueil. Légions du Mal,
surtout.
    En vain, en vain ils se sont dévoués au mystère de Golem.
Sans jamais de succès. Aucun, depuis rabbi Lœw, mon Maître, n’a su gravir à
nouveau l’échelle, celle de Jacob, qui lie la Terre au Ciel.
    Aucun n’a su entrer si loin dans les mots, dans les lettres
et la sagesse de la Kabbale.
    Ce n’est pas faute d’avoir tenté. Alors qu’il exterminait
les Juifs, Hitler, que son nom soit maudit pour l’éternité, s’y essaya.
Douloureuse ironie.
    Au moins la crainte du prodige inspira-t-elle assez de
respect pour que les troupes nazies ne brisent pas l’imposante statue du
créateur du Golem dressée au chevet du ghetto de Prague. Pas plus que ne
l’osèrent les Soviétiques un peu plus tard.
    Mais il suffit. Vous en savez assez pour que je puisse vous
raconter la vraie histoire de Golem, moi, David Gans, qui fus témoin de cette
stupéfiante aventure.
     

LA PROMESSE
     

1
    Tout a commencé par une promesse. La promesse que se sont
faite Isaac Cohen et Jacob Horowitz.
    Je nous vois comme si c’était hier. Nous sortions de l’alt
shull, la vieille et belle synagogue de Prague dont la légende racontait
que les pierres de la genizah provenaient du Temple de Jérusalem.
Peut-être était-ce le lendemain de Kippour ? Il faisait beau, quoique le
vent d’automne, vif et acidulé, bien commun au mois de Tichri, soufflât sur la
Vltava. Ce qui est certain, c’est l’année : 1574 de l’ère chrétienne.
Ou, selon notre calendrier, l’année 5334 depuis la création du monde par
le Tout-Puissant.
    Je traversais le vestibule, un paquet de livres sous le bras
comme à l’accoutumée, et m’apprêtais à monter les neuf marches menant à la rue,
quand des voix m’interpellèrent.
    — David !
    Isaac et Jacob me faisaient signe de revenir en arrière,
dans la pénombre de la petite pièce où l’on entreposait les chandelles.
    — David ! Viens donc, il nous faut tes yeux, tes
oreilles et ton cœur !
    Le châle de prière qui couvrait leurs épaules donnait à leur
démarche une solennité toute particulière. Mais le plaisir qui brillait dans
leurs yeux m’assura qu’il ne s’agissait pas d’une affaire grave. Aussi leur
répondis-je en plaisantant :
    — Croyez-vous que le Pardon me soit déjà si bien
accordé qu’on puisse me dépecer sans risque ?
    Isaac approchait la trentaine. Petit, le visage aussi rond
qu’une lune et sans grande grâce, il était de ces hommes qu’on ne remarque qu’à
cause de leur regard. Le sien captivait l’attention par cette lueur amusée qui
est le signe de l’intelligence autant que de la gourmandise de vivre. Sa parole
possédait le charme d’un grand savoir qui n’amoindrissait jamais sa bonté.
Malgré sa silhouette banale, il affichait cette prestance qui ne s’acquiert
qu’au sein des familles rompues aux flux et aux reflux du monde.
    Quatre ans plus tôt, il avait épousé l’aînée des filles du
MaHaRaL, Léa. Une belle personne, douce, sage et fragile. Trop fragile, car les
miasmes d’un mauvais automne l’emportèrent avant qu’elle puisse devenir mère.
Aussi, au printemps dernier, selon la tradition mais avec un enthousiasme qui
ne laissait pas douter de son affection, Isaac avait pris pour épouse la
cadette du Maître, Vögele, « oiseau » en allemand. On l’appelait
cependant Faïgelé, « petit oiseau » en yiddish. Encore que, moins
gracile que sa sœur, elle était
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