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Le hussard

Le hussard

Titel: Le hussard
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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révélé bon duelliste, du sang-froid et tout ce qui
s’ensuit, il a reçu ma…, hum, réprimande sans sourciller, de la classe, bonne
race et tout ce qui va avec, je lui ai collé vingt jours, impassible, le
garçon, et il devait sourire en son for intérieur, le bougre, même le dernier
des fourriers sait que nous partons en campagne avant une semaine, garder les
apparences, de pure forme, hum, et tout le reste. Pas un mot là-dessus, Hulot,
confidences et tout ce qui s’ensuit. »
    Inutile de préciser que le commandant Hulot ne manqua pas de
répéter les confidences du colonel aussi fidèlement que possible, tant dans
leur forme et que dans leur contenu, au premier chien coiffé passant à sa
portée.
    Quant aux arrêts de rigueur de vingt jours appliqués au
sous-lieutenant de Bourmont, ils se trouvèrent nettement réduits par les
nécessités du service. La sanction de Letac fut appliquée un lundi ; le
jeudi au petit matin, le 4 e  hussards quittait Cordoue.
     
    *
     
    Quatorze jours s’étaient écoulés depuis leur départ, et
d’autres affaires plus importantes accaparaient désormais l’attention du
régiment. Frédéric Glüntz posa le sabre et regarda son ami. Cela faisait un
moment qu’une interrogation lui brûlait les lèvres.
    — Michel… qu’est-ce qu’on ressent ?
    — Pardon ?
    Frédéric eut un sourire timide. Il semblait s’excuser de
poser une question aussi intime.
    — J’aimerais savoir ce qu’on ressent quand on assène un
coup à un homme… À un ennemi, je veux dire. Quand on se bat pour tuer, quand on
sabre.
    Le rictus de loup crispa les lèvres de Michel de Bourmont.
    — On ne ressent rien… répondit-il avec le plus grand
naturel. C’est un peu comme si le monde cessait d’exister autour de toi…
L’esprit et le cœur travaillent à toute vitesse, unissant leurs efforts pour
porter le coup qu’il faut à l’endroit qu’il faut… C’est ton instinct qui guide
tes coups.
    — Et l’adversaire ?
    Bourmont haussa les épaules d’un air méprisant.
    — L’adversaire est seulement un autre sabre qui s’agite
en l’air en cherchant ta tête, et tu dois l’éviter en étant plus habile, plus
rapide et plus précis que lui.
    — Tu étais à Madrid pour les combats de mai…
    — Oui. Mais ce n’étaient pas des adversaires. – Il
y avait maintenant du dégoût dans la voix de Bourmont. – C’était une
populace informe que nous avons ramenée à la raison en la sabrant et dont nous
avons ensuite fusillé les meneurs.
    — Tu t’es aussi battu en duel avec Fucken.
    Bourmont eut un geste évasif.
    — Un duel est un duel, dit-il comme s’il s’agissait
d’une évidence qui ne pouvait pas s’expliquer d’une autre manière. Un duel est
une affaire entre deux hommes de cœur, il a ses règles, et sa conclusion doit
être honorable pour les intéressés.
    — Mais l’autre soir, à Cordoue…
    — L’autre soir, à Cordoue, le lieutenant Fucken n’était
pas un ennemi.
    Frédéric rit, incrédule.
    — Ah non ? Qu’était-il, alors ? Vous avez
échangé une douzaine de bons coups de sabre, et il a reçu une belle entaille.
    — C’était normal. C’était pour ça que nous étions allés
dans le jardin, mon cher. Pour nous battre.
    — Et Fucken n’était pas un ennemi ?
    Bourmont hocha négativement la tête en tirant longuement sur
sa pipe.
    — Non, dit-il au bout d’un moment. C’était un
adversaire. Un ennemi, c’est différent.
    — Par exemple ?
    — Par exemple, l’Espagnol. Lui, c’est l’ennemi.
    Frédéric prit une expression perplexe.
    — C’est étrange, Michel. Tu as dit
« l’Espagnol »… Ça signifie ce pays entier. Est-ce que je me
trompe ?
    Le visage de Michel de Bourmont s’était assombri. Il resta
quelques instants silencieux.
    — Tu parlais des événements de Madrid, dit-il enfin,
d’un air grave. Cette tourbe fanatique, vociférant dans les rues, avait quelque
chose de sinistre qui donnait la chair de poule, je t’assure. Il faut y avoir
été pour comprendre ce que je veux dire… Tu te souviens de Juniac étripé, pendu
à un arbre ? On ne t’a pas parlé des puits empoisonnés, de nos camarades
assassinés dans leur sommeil, des embuscades des bandes rebelles qui ne
connaissent pas la pitié ?… Écoute-moi bien : ici, même les chiens,
les oiseaux, le soleil et les pierres sont nos ennemis.
    Frédéric contempla la flamme de la lampe en tentant
d’imaginer le
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