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Le hussard

Le hussard

Titel: Le hussard
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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Frédéric –
se retirèrent quelques instants pour discuter de la forme et du lieu de la
rencontre, tandis que les deux adversaires restaient silencieux, entourés de
leurs amis et camarades respectifs, en évitant de se regarder jusqu’à ce que
vienne le moment d’empoigner leurs armes.
    Il fut décidé que le duel serait livré au sabre, et le
capitaine qui servait de témoin à Fucken s’offrit solennellement à indiquer un
lieu approprié et à l’abri des regards indésirables, où le différend pourrait
être réglé dans la plus grande discrétion. Il s’agissait du jardin d’une maison
abandonnée aux abords de la ville, et tous se mirent en marche avec la gravité
qu’exigeaient les circonstances, en emportant deux lampes à pétrole de la
taverne.
    La nuit restait douce et le ciel était constellé d’étoiles
autour d’une lune aiguisée comme un poignard. Une fois dans le jardin, les
préparatifs furent rapides. Les deux adversaires se mirent en chemise,
pénétrèrent dans le cercle délimité par la lumière des lampes et, quelques
instants plus tard, leurs sabres se croisèrent.
    Fucken était brave. Il se fendait à fond en prenant beaucoup
de risques et cherchait à toucher son adversaire à la tête ou aux bras.
Bourmont se battait avec flegme, presque toujours sur la défensive, étudiant
son vis-à-vis et démontrant qu’il avait bénéficié des enseignements d’un
excellent maître d’escrime. La sueur trempait déjà leurs chemises quand Fucken,
blessé en attaquant, recula de trois pas en lâchant un juron : un filet de
sang coulait de son bras gauche. Bourmont s’arrêta et baissa son sabre.
    « Vous êtes blessé, dit-il avec une courtoisie où l’on
ne décelait pas le moindre accent triomphant. Vous sentez-vous
bien ? »
    Fucken était aveuglé par la colère.
    « Parfaitement bien ! Poursuivons ! »
    Bourmont lui adressa un léger salut de la tête, para en
quarte un furieux coup de pointe et chargea à trois reprises, rapide comme
l’éclair. Le troisième coup de sabre atteignit Fucken au flanc droit, sans
traverser les côtes, mais en y ouvrant une large entaille. Fucken pâlit, lâcha
son sabre et resta à regarder Bourmont, les yeux troubles.
    « Je crois que c’est suffisant, dit ce dernier, en
faisant passer son sabre dans la main gauche. Pour ma part, je m’estime
satisfait. »
    Fucken continuait de le regarder, dents serrées, une main
sur sa blessure, faisant de visibles efforts pour rester debout.
    « C’est juste », répondit-il d’une voix faible.
    Bourmont rengaina son sabre et salua avec une politesse
exquise.
    « Ce fut un honneur de me battre avec vous, lieutenant
Fucken. Naturellement, je reste à votre disposition au cas où, une fois guéri,
vous souhaiteriez poursuivre cette discussion. »
    Le blessé hocha négativement la tête.
    « Ce ne sera pas nécessaire, dit-il avec honnêteté. Le
combat a été loyal. »
    Tous les présents se déclarèrent d’accord, et la question
fut considérée comme réglée. Le lieutenant de chasseurs mit dix jours à guérir
de sa blessure et, au dire de relations communes, il ne manquait pas une
occasion, en parlant de ce duel, d’affirmer qu’il considérait comme un honneur
de s’être battu avec quelqu’un qui, à tout moment, avait fait la preuve qu’il
était un officier et un gentilhomme.
    L’incident ne tarda pas à devenir un sujet de conversation
dans toutes les réunions d’officiers de la garnison de Cordoue, venant ainsi
grossir la collection d’anecdotes des deux régiments impliqués. Pour sa part,
le colonel Letac, chef du 4 e  hussards, convoqua Bourmont et le
gratifia d’une diatribe furibonde qui se conclut par une mise aux arrêts de
vingt jours. Plus tard, commentant l’affaire en privé avec son aide de camp, le
commandant Hulot, Letac se fit un devoir d’exposer son point de vue :
    « Par l’enfer, Hulot, j’ai pris plaisir, hum, à voir la
tête du vieux Dupuy, vous savez, ce poseur de colonel de chasseurs, diantre,
deux boutonnières dans la peau d’un de ses chiots, bien ajustés à ce qu’on m’a
conté, excellent et tout le reste, hein, l’essentiel est que le régiment se
fasse respecter, un hussard est un hussard, par Belzébuth, certes il y avait un
grade de différence, que diable, tout cela est fort blâmable, irrégulier, mais,
hum, l’honneur et tout le reste, vous me comprenez… Et puis ce jeune Bourmont,
bonne famille, s’est
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