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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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des jours, et les fêtes de ses nuits. Qui plus est, le
roi lui donne quatre cent mille livres pour payer ses dettes anciennes et ses
plaisirs nouveaux. Un si grand boursicot valait bien qu’on aimât le roi et le
cardinal « comme soi-même »…
    Je m’aperçois que, tout au récit que je faisais au lecteur,
j’ai omis de décrire Madame de Guéméné et, lecteur, tu y aurais certes perdu
prou.
    Elle avait passé trente ans, cela est sûr, et se peut
davantage, mais il n’y paraissait pas, tant à la différence de nos hautes
dames, paresseuses comme chattes sur leurs couches damassées, Madame de Guéméné
prenait soin de sa « guenille », comme disent nos dévots, lesquels du
reste ne sauteraient pas un seul repas pour rejoindre plus vite leur Créateur.
    En ce siècle de goinfres (du moins à la Cour), Madame de
Guéméné mangeait peu, ne croquait jamais de sucreries, buvait plus d’eau de
source que de vin, et se donnait beaucoup de mouvement. Quand je la vis dans
son château de Bretagne, où elle nous avait invités, Catherine et moi, je fus
surpris de la voir nager dans son étang et trotter sur sa jument tous les jours
que Dieu faisait. Elle ne montait pas à l’amazone, mais audacieusement comme un
homme, et comme cette assise eût fait jaser d’elle, Madame de Guéméné ne
galopait que sur ses terres et dans ses champs, afin de ne pas offenser la
pudeur des aregardants.
    Madame de Guéméné, lecteur, n’avait pas que de jolis pieds.
Elle avait aussi beaucoup d’esprit, sans jamais tomber dans la mesquine
méchantise de nos pimpésouées de cour. Bien je me ramentois qu’elle me dit un
jour qu’en son opinion une femme ne pouvait jamais être heureuse en ménage,
opinion qui me laissa béant et que je lui demandai de justifier. À quoi elle
sourit, et dit :
    — Si le mari est aimé des femmes, son épouse vivra dans
les inquiétudes. Mais si son mari n’est pas aimé des femmes, elle ne saurait
être heureuse avec lui.
    Le lendemain de cet entretien avec Madame de Guéméné,
Nicolas vint me dire, sur les dix heures du matin, qu’un petit vas-y-dire avait
toqué à l’huis, et l’huis entrebâillé, dit qu’il me voulait voir, et moi
personnellement. « Que voilà, m’apensai-je, un exigeant messager. »
    Toutefois, la curiosité me poussant, je gagnai l’entrant et
j’y vis un petit galapian d’une dizaine d’années, hirsute et sale, mais l’œil
fort éveillé et la parladure étonnamment rapide.
    — Monseigneur, dit-il, le révérend docteur médecin
Fogacer vous fait dire qu’il aimerait, si cela vous convient, vous venir voir
ce jour d’hui, avant ou après le dîner.
    — Fi donc de ces cérémonies ! dit Catherine que la
curiosité avait fait accourir dès le premier toquement de l’huis. Dites à notre
ami qu’il vienne donc dîner ce jour d’hui chez nous sur le coup de midi.
    — C’est bien, dit le galapian, je vas-y-dire.
    Je lui tendis alors une piécette, mais de prime il noulut la
prendre, disant qu’il était déjà payé par le chanoine. Cependant je n’eus qu’à
insister une seule petite fois pour qu’il saisît la pièce d’une main avide,
mais pas trop propre. À mon grand étonnement, il la fourra incontinent dans sa
bouche. J’en conclus qu’il craignait, revenu chez lui, d’être dépouillé de ses
gains par ses parents. Je lui demandai alors s’il avait faim et il me dit,
d’une voix sourde en tapotant sa joue gonflée de ma piécette :
    — Plus maintenant, Monseigneur.
    Ce qui, je suppose, voulait dire qu’à peine sailli hors, il
allait courre s’acheter une galette et, caché dans quelque recoin pour échapper
aux autres galapians, il pourrait croquer ladite galette avec une lenteur
délicieuse.
    Ma Catherine était raffolée de Fogacer qui le lui rendait
bien, sans que j’en prisse ombrage, le lecteur sait bien pourquoi. Fogacer vint
accompagné, comme toujours, par son joli petit clerc que Nicolas détestait,
l’appelant, hors d’ouïe, niquefredouille, ou coquefredouille et
autres méchants mots dont on accable ordinairement les filles.
    Je ne saurais dire exactement à quoi tenait cette hostilité
de Nicolas à l’égard de cet inoffensif petit clerc, sinon qu’ayant été déniaisé
depuis peu en un tournemain par la Zocoli, il se paonnait fort, depuis, de sa
virilité, au point de n’avoir que dédain pour les puceaux et les bougres [1] .
    Je me souviens qu’au cours de ce dîner, Fogacer nous fit
rire
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