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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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merveille comme vous
savez redonner du cœur aux dames. Ce matin, ayant découvert en me pimplochant
le début d’une nouvelle ride sous les yeux, j’étais au désespoir et me
demandais s’il ne serait pas temps de me retirer loin des hommes et du monde,
dans un couvent, sans prendre le voile bien entendu. Car pour parler à la
franche marguerite, je n’aime guère les nonnes. Je trouve que ce fut une
décision à la fois bien sotte et bien impie de se refuser à Adam, quand on est
Ève, le Créateur nous ayant faits si visiblement l’un pour l’autre. En bref,
quelle mélancolie n’était pas la mienne quand vous apparûtes, mais grâce à
Dieu, c’était l’épée à la main pour trancher le col à mes noires tristesses.
    — Cependant, dis-je, je n’ai fait que dire la vérité en
célébrant la beauté de vos pieds, et pour peu que vous me le permettiez,
Madame, j’aimerais les baiser et je les baiserais dévotement.
    — Nenni, nenni, duc, dit Madame de Guéméné comme
effrayée, si vous faisiez cela, le serment que nous avons fait ne tiendrait
peut-être pas très longtemps tant j’ai appétit à vos tendresses.
    Je ne saurais dire si c’était là un ferme refus de mes
caresses verbales ou une invitation à les continuer. Dans le doute, je décidai
d’enterrer le sujet et demandai à Madame de Guéméné comment s’étaient passées
les retrouvailles de Gaston et du roi, puisqu’elle était alors à
Saint-Germain-en-Laye avec la Cour, et moi, pendant ce temps-là, comme le
lecteur s’en souvient, sur les grands chemins de France.
    — Il va sans dire, dit-elle, que bien que je fusse
logée à Saint-Germain, je n’assistai pas aux retrouvailles qui eurent lieu en
la chambre du roi, mais elles me furent contées ensuite successivement par les
ducs de Longueville, de Montbazon, et de Chaulnes.
    — Madame, dis-je, je ne savais point que vous
connaissiez tant de ducs !
    — Mais celui que vous savez, dit-elle avec un sourire,
est celui que j’aime le plus, et aucun d’eux n’est intime assez avec moi au
point de célébrer la beauté de mes pieds. Cet éloge du reste, d’ores en avant,
vous sera réservé.
    — Madame, j’espère me montrer digne de cette insigne
faveur.
    — Dès lors, n’y manquez pas. Mais finissons-en avec ce
badinage, si plaisant qu’il soit pour moi et sans doute aussi pour vous. Et
venons-en aux retrouvailles royales. Comme dit mon confesseur, elles furent édifiantes…
    « Gaston, me dit-on, paraissait quelque peu trémulant
en pénétrant dans la chambre où le roi l’attendait, et fut un petit moment
avant de pouvoir articuler le premier mot.
    « — Monsieur, dit-il enfin, en fléchissant le
genou devant son frère aîné, je ne sais si c’est la crainte ou la joie qui
m’interdit la parole. Mais il ne m’en reste à présent que pour vous demander
pardon de tout le passé.
    « À cette phrase élégante, le roi répondit, lui aussi,
fort élégamment :
    « — Mon frère, je vous ai pardonné. Ne parlons
plus du passé, mais seulement de la joie que je ressens très grande de vous
revoir.
    « Quelques instants plus tard, Richelieu pénétra dans
la chambre avec un air de bonhomie qu’on ne lui avait jamais vu.
    « — Mon frère, dit alors le roi, je vous prie
d’aimer Monsieur le cardinal.
    « Comme il fallait s’y attendre, la réponse fut
évangélique.
    « — Monsieur, dit Gaston à son aîné, j’aimerai
d’ores en avant le cardinal comme moi-même, et suis résolu de suivre en tout
ses conseils.
    — Parla-t-on, dis-je, en cette première rencontre, de
ce malencontreux mariage avec Marguerite de Lorraine ?
    — Une phrase à peine y suffit, avec beaucoup de tact.
Elle fut dite par Richelieu : le mariage de Gaston sera envisagé
« selon la législation en vigueur », phrase évasive, dont, tout à sa
joie des retrouvailles avec son aîné, Gaston se contenta.
    « Voilà qui m’étonne !
    — Voilà qui ne m’étonne pas, dis-je. Gaston, bien qu’il
ait beaucoup d’esprit, est une tête légère et joueuse.
    À ce qu’on m’a dit, au moment de marier Marguerite de
Lorraine, il jubilait du mauvais tour qu’il jouait à son frère, sans mesurer
pour Louis, pour lui-même et pour le royaume, les lourdes conséquences de ce
mariage. Se retrouvant en France, il est si radieux qu’il en oublie l’absence
de son épouse. Après quatre ans d’exil volontaire, il retrouve Paris, ses amis,
ses amies, les paresses
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