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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam
Autoren: Axel Aylwen
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navire de commerce britannique ancré en rade de Céphalo-nie.
À neuf ans, il brûlait déjà de voir le monde et de se faire une place au
soleil. Sa vie en mer avait commencé ce jour-là où, caché et tremblant dans la
cale, il priait le Ciel que le vaisseau appareillât avant qu'on ne le
découvrît. Il s'était efforcé de ne pas penser à sa mère qui lui manifestait
une réelle tendresse, mais seulement aux rossées que lui administrait son père
et à la vie ennuyeuse qu'on menait sur la petite île.
    Au moindre prétexte, et surtout quand il était ivre, ce
qui lui arrivait souvent, son père le frappait avec sa grosse ceinture de cuir.
Le jeune Phaulkon avait le sentiment que son père était malheureux d'être
descendu jusqu'au bas de l'échelle sociale : les gens parlaient encore du grand
Andréas, le grand-père de Constant, qui jadis avait été gouverneur de l'île
alors que son fils perdait au jeu la fortune de la famille au point d'en être
réduit à ouvrir une auberge sur le front de mer.
    « Vous savez pourquoi, bien sûr? ricanaient les
villageois. Parce que là-bas il peut boire gratis ! »
    Le jeune garçon avait entendu ces commérages qui
l'avaient blessé au vif. Il s'était juré de ne jamais être lui-même un raté et
de rétablir un jour le prestige de la famille.
    C'était à tout cela et à l'image de sa mère, si bonne et
si généreuse, qu'il songeait au fond de la cale où il était blotti.
    « Tiens, qu'est-ce que nous avons ici ? » Le marin barbu
qui l'avait découvert derrière des caisses l'avait regardé avec un mélange
d'amusement, de surprise et d'irritation. « Le plus jeune matelot que j'aie
jamais vu, par Dieu ! Tu ferais mieux de venir avec moi, mon gars. Le capitaine
va avoir quelques mots à te dire. »
    Le cœur serré, le jeune Phaulkon avait suivi le géant aux
cheveux couleur de paille mais, en débouchant sur le pont supérieur, il avait
remarqué avec un sursaut d'espoir que l'on n'apercevait plus la côte. Peut-être
seraient-ils trop loin pour que le capitaine revînt au port.
    « Je vous demande pardon, capitaine, mais j'ai découvert
ce jeune matelot qui se cachait dans la cale. »
    Sans laisser le temps de répondre à l'homme sévère planté
devant lui, dans son uniforme bleu, les mains derrière le dos, le jeune garçon
était tombé à genoux et avait débité tout le flot de mots d'anglais qu'il avait
péniblement traduits du grec et appris par cœur : c'était la première fois
qu'il cherchait à convaincre quelqu'un.
    « Monsieur, je vous en prie, monsieur, je suis petit mais
vigoureux. J'ai l'air d'un petit garçon mais je travaille comme un homme. Je
travaille comme un homme mais vous pourrez me payer comme un jeune garçon. »
L'équipage curieux s'était rassemblé et, encouragé par le rire des hommes,
Phaulkon avait poursuivi avec un beau culot : « Et quand votre équipage aura
faim, monsieur le capitaine, je sais faire le meilleur ragoût grec. J'ai appris
la recette de ma tante qui est célèbre dans toutes les îles. » Une fois les
rires calmés, le capitaine donna un ordre que Phaulkon ne comprit pas. À neuf
ans, il ne parlait que le grec et l'italien : le grec à cause de ses parents et
l'italien appris auprès des Vénitiens qui régnaient sur Cépha-lonie.
    Le capitaine lui posait maintenant une foule de questions
— et lui restait agenouillé là, tête baissée, répétant sans cesse : «
Pardonnez-moi, monsieur le capitaine, je ne comprends pas encore. Mais
j'apprendrai à parler votre langue. Je vous en prie, donnez-moi une chance. »
    Il regarda autour de lui. Un homme lui souriait avec
bonté. Phaulkon lui rendit son sourire, se rappelant les leçons de sa mère.
Puis il leva vers le capitaine un visage rayonnant d'espoir et regarda tour à
tour chaque membre de l'équipage qui se trouvait là. Il vit surtout des
expressions amicales. Il attendit le moment opportun, puis se releva et ôta sa
chemise. Un murmure parcourut le petit groupe. Il avait les épaules et le dos
couverts de vilaines traces de coups.
    « Mon père... », dit-il. On ne comprenait que trop bien.
« Je vous en prie, monsieur le capitaine, permettez-moi de rester avec de
braves gens. » Une larme roula sur sa joue et il lut sur le visage du capitaine
qu'il avait gagné la partie.
    « Comment t'appelles-tu, petit ? » demanda le capitaine,
d'un ton radouci.
    Cela, le jeune homme le comprit. « Constantin Ghe-rakis,
monsieur le capitaine.
    — Gherakis? Ça
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