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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin
Autoren: Jean-François Parot
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menant aux étages, quand elle se sentit saisie fermement par un bras invisible et pressée contre un corps. Une douleur terrible lui traversa la base du cou ; elle s'effondra sans se sentir mourir, dans un flot de sang.
    Au petit matin, un garçon de cuisine découvrit deux corps, celui de Marguerite Pindron, égorgée, et celui de Jean Missery, le maître d'hôtel, sans connaissance et blessé. Un couteau gisait sur le carrelage, à côté de lui, au milieu d'une mare écarlate.

I
    Le fil des jours
    Le temps découvre les secrets ; le temps fait naître les occasions ; le temps confirme les bons conseils.
    Bossuet

    Dimanche 2 octobre 1774
    Nicolas regardait à la dérobée le visage de son fils. C'était tout son portrait plus jeune, avec ce fringant air de tête de son grand-père, le marquis de Ranreuil, quand il se redressait pour fixer dans les yeux ses interlocuteurs. La Satin, elle, transparaissait par une sorte de douceur diffuse des traits fins en voie de formation. L'attitude de l'adolescent, noble et dégagée, ne marquait nullement la gaucherie commune à cet âge. Il débattait avec M. de Noblecourt à coup de citations grecques et latines où parfois le vieux procureur corrigeait, en souriant, solécismes et barbarismes. La fête battait son plein rue Montmartre pour le souper de présentation de Louis Le Floch. Apaisé et heureux, Nicolas ressentait la chaleur émanant de la présence de ses amis, Semacgus, Bourdeau et La Borde. Il n'intervenait pas dans la discussion, souhaitant que Louis, au demeurant fort à l'aise, y trouve sa place naturellement. Il devait apprendre pas à pas ce rôle de père si nouveau pour lui, qui le remplissait à la fois d'exaltation et d'angoisse.
    L'année se terminait mieux qu'elle n'avait commencé. L'écho des complots et des enquêtes criminelles qui avait suivi la mort de Mme de Lastérieux, sa maîtresse, s'éteignait peu à peu. Il portait encore dans son cœur le deuil du feu roi comme une douceur un peu douloureuse. Cette période agitée de sa vie l'avait heureusement conduit à découvrir l'existence d'un enfant issu de sa liaison avec La Satin, quinze ans auparavant. La vieille Paulet, avertie d'une première rencontre et de l'effet d'une ressemblance remarquée, avait décidé d'intervenir. Quittant sa campagne d'Auteuil où elle coulait une vie confortablement dévote, elle était accourue chez M. de Noblecourt pour y plaider la cause de La Satin et la nécessité d'offrir à Louis un père qu'il croyait inconnu. Le vieux procureur avait pris l'affaire très au sérieux et s'était entremis, conseillant à la fois les deux parents.
    Les scrupules pourtant s'accumulaient de part et d'autre. La Satin craignait les réactions de Nicolas, se rappelant que celui-ci l'avait jadis interrogée sur le père de son enfant et s'était déclaré prêt, le cas échéant, à assumer ses responsabilités. Bonne fille et consciente du caractère dépréciant de sa condition, elle redoutait à la fois pour le père et pour le fils les conséquences d'une reconnaissance qui ferait paraître au grand jour cette trouble filiation. Nicolas, qui gardait un fond de tendresse pour une femme connue dès son arrivée à Paris, appréhendait de blesser la nouvelle maîtresse du « Dauphin Couronné » en marquant par des mesures nécessaires l'éloignement de leur enfant d'un milieu délétère et corrompu. Il ne s'agissait pas non plus de distendre les liens naturels unissant un fils à sa mère.
    Cette quadrature du cercle fut résolue par M. de Noblecourt qui, la plume à la main et comme s'il rédigeait ses réquisitions, entreprit de faire converger les intérêts et les sentiments en présence, tout délicats qu'ils fussent. La Satin devait, reprenant son nom de naissance d'Antoinette Godelet, abandonner ses occupations présentes. Avec l'aide de Nicolas, elle achèterait un fonds de commerce d'objets de mode et de toilette, rue du Bac, à un couple qui souhaitait se retirer. Le plus ardu fut de convaincre La Paulet qui, voyant s'effondrer l'échafaudage de sa succession dans la maison galante, tempêta tant et plus qu'elle retrouva la hargne et le débit de harengère que Nicolas lui avait connus naguère. M. de Noblecourt laissa passer la bourrasque et, usant de sa lénifiante influence sur la bonne dame, dispensa de si courtois compliments et manifesta une écoute si bienveillante que son intervention fit merveille. Elle s'apaisa par degrés. Le retour inopiné
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