Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
Pindron, ulcéré du geste de sa fille, ne voulut rien tenter. Elle avait déshonoré la famille, elle ne comptait plus et il la déshérita aussitôt. Il s'alita pour mourir quelques jours après, laissant une veuve qui se retira dans sa Bourgogne natale après avoir liquidé la ferme, la cédant à bon prix à une puissante famille de nourrisseurs du faubourg, qui s'engagea devant notaire à lui servir jusqu'à sa mort une pension gagée sur les rentes de l'hôtel de ville.
    Pendant des mois, Marguerite Pindron erra dans Paris, dormant sur les quais, se ménageant des cachettes dans les pyramides du Port-au-bois, soit quai Saint-Paul, soit au milieu des barriques du quai de la Rapée. Ce bois apporté par le fleuve s'accumulait en piles hautes comme des maisons. Le mieux rangé s'organisait en pyramides carrées ou triangulaires, mais une grande part s'entassait en désordre créant une sorte de cité mystérieuse faite de détours et de ruelles, de souterrains et de salles intérieures dont, au petit matin, surgissait, hagarde, toute une faune disparate. Les quelques louis qu'elle avait volés à son père s'épuisèrent vite, mais sachant lire et écrire, elle utilisa cette science auprès des plus pauvres pour tenir jusqu'à l'hiver. Là, un soir de désespoir alors que la faim et le froid la tenaillaient, elle tomba sur un jeune homme bien mis qui l'entraîna dans son logis et, après toilette, en fit sa chose et un objet de plaisir. Il la vêtit et la nourrit, puis la présenta à son beau-frère, maître d'hôtel chez le duc de la Vrillière. Sa joie de trouver une place était vite retombée. Elle n'était que la dernière d'une armée de filles de peine qui vidaient les pots et les seaux, vouée aux fonctions les plus rebutantes et aux rebuffades les plus amères.
    Elle ne fut pas longue à comprendre qu'il faudrait en passer par le bon plaisir du beau-frère. Celui-ci, veuf depuis deux années, ne supportait pas sa solitude et poursuivait tout ce qui portait jupons dans l'hôtel Saint-Florentin. Elle commença par résister à ses avances, mais la crainte la tenaillait de se retrouver à la rue. Elle s'en ouvrit à son initiateur qui lui rit au nez et l'engagea à céder ; il lui faisait, de plus en plus souvent, de petits emprunts sur ses gages. Son nouvel amant s'embrasa tout aussitôt d'une véritable passion pour sa beauté et sa jeunesse. Elle ne savait plus comment se dégager de liens qui lui pesaient et des attentions incessantes d'un barbon auquel la nécessité seule l'avait contrainte à céder. Elle en vint à user de tous les caprices et stratagèmes possibles pour s'en débarrasser, y compris des passades avec d'autres domestiques plus jeunes, ne dissimulant rien de ses écarts, dans l'espoir de le dégoûter. Elle ne fit que renforcer le désir qu'il avait d'elle. La jalousie ne cessait de l'obséder et de terribles scènes les opposaient.
    Des larmes lui venaient. Tout cela n'était rien. Elle ne pouvait faire sortir de son esprit les événements arrivés trois jours auparavant. Son jeune initiateur était venu la chercher le soir, à la fin de son service. Elle avait dû s'enfuir par une porte dérobée pour le rejoindre dans un fiacre. Au bout d'un long parcours, il l'avait entraînée dans une maison inconnue, lui faisant revêtir une tenue plus qu'indécente. Pourquoi s'était-elle laissé faire ? Elle essaya d'effacer les images de ce qui avait suivi. Comment en était-elle arrivée là ? Elle n'avait pas protesté, comme ahurie et saisie par la frénésie ambiante de scènes insensées. Son « ami » lui était apparu sous un jour si ambigu qu'elle ne parvenait pas à replacer son image dans l'ordre naturel des choses.
    Un souffle incertain abaissa la flamme de la chandelle qui grésilla un moment puis s'éteignit, répandant une odeur âcre. Il ne manquait plus que cela ! Elle ne disposait d'aucun moyen pour la rallumer. L'angoisse la prenait de se sentir seule dans cet endroit désert. Elle imaginait des présences autour d'elle. Des bêtes et insectes grouillants recherchaient souvent, en ces débuts d'automne, la chaleur des cuisines. Quelque chose craqua derrière elle ; elle perçut un glissement. Elle fit effort sur elle-même pour se retourner, mais elle ne distinguait rien. Il lui semblait que sa respiration se faisait moins bien, que l'air lui manquait et que la panique, peu à peu, s'emparait d'elle. Un mouvement irraisonné allait la précipiter par l'escalier
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher