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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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mèche rebelle, mais il avait une barbe ébouriffée qui
compensait bien. Il n’avait pas d’enfant aussi mule qu’elle l’avait été, mais
il avait des paroissiens qui ne donnaient pas leur place. Et dans ses yeux
comme dans ceux de son père, il y avait cet air moqueur, cet air qui semblait
lui dire : « Tu ne pourras rien me cacher. » Le pire, pensa
Émilie dans son malaise, c’est qu’il avait probablement raison. Elle commença à
se tordre sur sa chaise. Le curé lui demanderait des nouvelles d’Ovila qu’elle
n’en serait pas surprise. C’ est ce que Caleb
avait fait quand il avait senti son malaise, ce matin-là dans l’étable.
    – Dites-moi donc, Émilie, est-ce que vous
avez eu des nouvelles de l’Abitibi ?
    C’était parti. Elle l’avait prévu. Il y avait
de ces hommes qu’on ne trompait jamais.
    – Des nouvelles, oui.
    – Je suis heureux de l’apprendre. Et
comment va votre mari ?
    – Je sais pas. Tout ce que je sais, c’est
que le père de mes enfants semble s’ennuyer de sa progéniture.
    – C’est-à-dire ?
    Émilie lui raconta l’histoire des cages et le
fait qu’elle n’avait reçu aucune lettre depuis leur départ de Shawinigan.
    – Jolie symbolique, répondit le curé.
    Il lui faisait maintenant penser à Henri
Douville. Il était la seule personne qu’elle connaissait qui aurait pu répondre
par une phrase aussi énigmatique. À son tour, elle demanda ce qu’il avait voulu
dire.
    – Je me demande, Émilie, qui, de lui ou
de vous, a le sentiment d’être en cage. C’est tout.
    Émilie crut pendant quelques secondes qu’il
avait voulu la faire rire. Mais, à son air sérieux, elle comprit qu’il n’en
était rien. Elle cassa son sourire et réfléchit à ce qu’il venait de lui dire.
    – Qu’est-ce que je dois comprendre ?
    – Rien de plus que ce que j’ai dit. Et
alors, Émilie, est-ce que les enfants ont attrapé des chardonnerets ?
    La diversion était bienvenue. Elle pensa
rapidement au lendemain de l’arrivée des cages. À l’excitation des enfants qui
étaient partis seuls pour le rang du Bourdais. À leur retour. Au fait qu’elle
avait dû sévir parce que dans chacune des cages il y avait plus d’un oiseau.
Chaque enfant avait libéré un, deux ou trois
oiseaux, pour n’en garder qu’un. À la scène que Blanche avait faite.
    – Oui, trop. Ils ont dû en relâcher. Mais
Blanche, elle, a jamais voulu choisir. Elle a pleuré en regardant voler ceux
que le hasard avait désignés et, quand son tour est arrivé, elle a pas voulu
choisir.
    – Choisir quoi ?
    – L’oiseau qu’elle libérerait. Blanche
pleurait comme une vraie Madeleine, en me disant qu’elle avait pas le droit de
choisir. Que peut-être que l’oiseau qu’elle garderait était celui qui pouvait
mourir d’ennui. Que peut-être que l’oiseau qu’elle libérerait était celui qui
aurait le plus besoin d’elle pour se nourrir. Faut vous dire que Blanche avait
pas voulu attraper plus de deux oiseaux. Une « paire d’amis »,
qu’elle disait.
    Émilie termina son histoire en riant mais, le
curé Grenier ne riant pas, elle cessa, consciente qu’elle ricanait nerveusement.
Ce qu’elle venait de raconter n’était pas tellement drôle. Elle venait de lui dévoiler
un grand drame, un grand chagrin d’enfant.
    – Et qu’est-ce qu’elle a fait, votre
Blanche ?
    – À sa tête, monsieur le curé. Étant
donné qu’elle pouvait pas garder les deux, elle en a pas gardé du tout.
    Le curé Grenier hocha la tête. Tristement,
pensa Émilie. Il la regarda puis lui sourit faiblement.
    – Elle est bien sage, votre Blanche. Elle
vient de nous donner une grande leçon. Ce qui nous amène, je crois, directement
à votre problème.
    – Mon problème ?
    – Votre problème, Émilie. Parce que
j’imagine que vous êtes venue me voir à cause de votre mari ?
    Encore une fois, Émilie pensa à son père.
Décidément, son père et le curé étaient taillés dans la même étoffe.
    – Je sais pas si c’est un problème,
monsieur le curé, mais je sais pas non plus si je dois aller en Abitibi ou pas.
    – Où est-il exactement ?
    Maintenant, elle devait répondre. Avouer
qu’elle n’en savait rien. Elle décida de parler ouvertement. De toute façon, le
curé saurait les mots qu’elle tairait. Et elle parla
p endant ce qui lui sembla une éternité. De leurs derniers mois à
Shawinigan. Des dettes. De sa peur. Du fait qu’elle avait obligé
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