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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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pain aux gens qui
criaient devant les portes de son château et que les gens, furieux, lui avaient
coupé la tête. Son oncle Ovide racontait toutes les histoires qu’il lisait. Il
lisait beaucoup parce que dans ses poumons il y avait cette maladie terrible,
la tuberculose, qui l’empêchait de travailler aux champs. Son oncle connaissait
les réponses à tout.
    Félicité entraîna tous ses petits-enfants à sa
suite vers la maison. Ils entrèrent joyeusement, heureux de lui avoir fait une
si belle surprise. Ils laissèrent leurs chaussures près de la porte pour ne pas
salir le plancher de la cuisine d’été, presque neuve, que leur oncle Ti-Ton
avait construite deux ans plus tôt. Leur mère était dans la chambre de leur
grand-mère, essayant d’endormir Rolande.
    Les enfants furent invités à s’asseoir à table
et ils dévorèrent des yeux puis de la bouche tout ce qui fut placé devant eux.
Félicité les regarda s’empiffrer comme le faisaient des hommes au retour des
chantiers. Elle fronça davantage les sourcils. Ses yeux, couverts par les plis
de son front, cachaient bien leur humidité.
    Émilie vint enfin les trouver, Rolande dans
les bras. Elle ne voulait pas dormir.
    – Trop de changements, expliqua Émilie.
    Elle s’assit dans une berceuse mais se releva
aussitôt.
    – Si vous avez pas d’objection, madame
Pronovost, j’irais prendre une petite marche. Peut-être que ça va
l’endormir.
    Félicité l’encouragea à le faire. Émilie eut
un sourire triste et sortit, retenant la porte derrière elle pour l’empêcher de
claquer. Dehors, elle regarda le chemin qui menait au lac à la Perchaude. Elle
ne voulut pas s’y diriger, choisissant plutôt de marcher en direction de la
montée des Pointes. S’avançant d’un pas d’abord lent, elle accéléra au fur et à
mesure qu’elle se rapprochait de son objectif. Puis, tout à coup, elle
s’immobilisa. Son visage, de rouge qu’il était, passa rapidement au gris.
Devant elle, un trou, un immense trou bordé de pierres ! La maison !
Quelqu’un avait démoli la maison. Elle trouva une roche et s’assit. Elle déposa
Rolande sur l’herbe et l’enfant commença à s’animer sur ses genoux potelés.
    Émilie regardait le trou. « Mon
Dieu ! Ovila. Qu’est-ce qu’il reste de nous deux ? Un trou ? Un
vide ? Je ne sais même pas où tu es. Qui a démoli notre maison,
Ovila ? Ta mère nous avait dit que nous pourrions y revenir quand nous le
voudrions. » Émilie pleura son désespoir. Elle avait rêvé qu’Ovila
l’attendrait à la gare mais il n’avait pas été là. Elle avait ensuite cru, fort
naïvement peut-être, qu’ils se réinstalleraient tous dans la maison et que ses
enfants retourneraient à la petite école. Elle avait presque réussi à se
convaincre qu’Ovila ne boirait plus jamais et qu’ensemble ils reprendraient les
rênes de la vie. À regarder grandir les enfants. À vieillir, lentement,
doucement, comme tous les autres. Elle avait espéré qu’il avait compris son cri
à elle lorsqu’elle lui avait demandé de quitter Shawinigan. Pouvait-il, en ce
moment, penser qu’elle était demeurée à Shawinigan ? Se pouvait-il qu’il
la connaisse si mal ?
    Les mains de Rolande verdissaient au fur et à
mesure qu’elle s’acharnait à arracher l’herbe qui la chatouillait. Émilie ne
put sourire. Non. Ovila la connaissait tellement bien qu’il savait qu’elle
quitterait Shawinigan. Il savait qu’elle rentrerait à Saint-Tite, le seul
endroit au monde où elle pouvait respirer. Il savait. Il avait toujours su.
Mais lui… Émilie ferma les yeux. Lui, il avait dit que jamais il ne reviendrait
dans ce village maudit ! Lui, il avait dit qu’il avait quitté Saint-Tite
pour toujours.
    Émilie s’essuya une joue du revers de la main.
Est-ce que, pour la première fois de sa vie, Ovila s’en tiendrait à ce qu’il
avait dit ? Non. Certainement pas. Jamais il n’avait tenu parole.
L’entêtement d’Ovila était aussi malléable que la glaise. Ovila avait le cœur
tendre et l’ennui facile. Ovila reviendrait. Demain. La semaine prochaine. Dans
un mois. Mais il reviendrait parce qu’il savait. Jamais ils ne pourraient vivre
l’un sans l’autre. Ils le savaient tous les deux.
    Rassurée, Émilie se releva, prit Rolande et
revint en direction de chez sa belle-mère, à qui elle n’avait dit que
l’essentiel. Qu’Ovila avait recommencé à boire, mais qu’il n’y avait pas de
quoi
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