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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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maison, puis,
confiant Rolande à Marie-Ange, sortit avec une feinte nonchalance la clef de la
maison d’Alma. Elle ouvrit la porte et les enfants se précipitèrent à
l’intérieur. La maison vide décupla l’ampleur de leurs cris. Émilie ne les
rappela pas à l’ordre, préférant leur laisser le temps de s’amuser avant de
leur assigner un travail.
    Le voisin et son engagé commencèrent à entrer
les meubles. Émilie fut contrainte de demander aux enfants de se calmer. Ils le
firent difficilement, excités par leurs découvertes. Il n’y avait pas de
toilette dans la maison, ni de robinets. Simplement une pompe à eau. Émilie
cacha son étonnement devant la sobriété de la maison. Aima lui avait donné
l’impression d’être financièrement plus à l’aise. Elle sourit. Aima avait
probablement surestimé son indépendance à elle. Elle fut cependant
reconnaissante de trouver une maison propre, prête à être meublée et habitée
par elle et ses neuf enfants.
    Elle dirigea le travail des hommes, essayant
de leur faire installer les meubles aux bons endroits afin de ne pas être
forcée de les déplacer seule. Émilien, aidé des bras de Clément et de la bonne
volonté du chétif Paul, avait commencé à assembler les lits qu’ils avaient
défaits la veille. Marie-Ange trouva quelque chose pour faire taire l’estomac
affamé de Rolande pendant que Rose, Blanche et Jeanne ouvraient chacune des
taies d’oreiller avec empressement, s’extasiant devant leur contenu comme s’il
eût été une surprise. Alice, elle, était allée dehors chercher quelques fleurs
pour passer le temps, mais surtout pour empêcher ses sœurs de lui dire
d’enlever ses trois ans et demi de leur chemin.
    Les hommes partirent enfin, dans une pétarade
puante, après avoir empoch é les quinze dollars
qu’Émilie leur devait. Celle-ci entra alors dans sa nouvelle demeure, déjà
presque habitée, déjà presque vide de la présence d’Ovila. Elle sortit sa
montre de poche et soupira. Puis, accrochant un sourire à travers ses coulisses
de transpiration, elle invita les enfants à se laver.
    – On va aller chez mémère Pronovost. On va lui faire une surprise, se sentit-elle obligée d’ajouter.
    Les enfants se précipitèrent à la pompe,
l’actionnant avec énergie et s’amusant de se laver à l’eau si froide. Émilie
les invita à se donner un coup de brosse dans les cheveux. Ils le firent un peu
trop rapidement à son goût. Aussi s’arma-t-elle de son peigne de plus en plus
édenté et recommença-t-elle les raies et les tresses. Paul revint une seconde
fois faire replacer cette mèche rebelle qui pointait toujours inexorablement
vers le plafond. Émilie lui sourit, lui posa une bise sur le front et trempa
ses doigts dans l’eau avant de les passer sur un savon qu’Alma avait abandonné
près de la pompe. Elle colla ensuite la mèche de Paul.
    – Tu as la même couette folle que ton
grand-père Caleb. Mon père.
    Paul sourit de cette comparaison. Il avait
vaguement souvenir que son grand-père Bordeleau lui avait donné assez d’argent
pour qu’il puisse s’ouvrir un compte en banque.
    Émilie coucha Rolande dans un vieux landau
d’osier qu’une voisine de Shawinigan lui avait donné et invita les enfants à
sortir et à se mettre en route.
    Ce midi-là, à Saint-Tite, les gens qui
regardèrent par les fenêtres virent un étrange défilé. Huit enfants de tous
âges marchaient l’un derrière l’autre, tantôt sur la route, tantôt dans les
champs, bourrant leurs poches de cailloux, fauchant toutes les fleurs qui
osaient attirer leur regard pour en faire une énorme gerbe. Leur mère fermait
la marche en poussant désespérément un landau fané qui semblait vouloir agoniser
chaque fois qu’une roche s’obstinait à empêcher une roue d’avancer.
    Ils arrivèrent enfin devant la maison de Félicité.
Les enfants allaient accélérer quand Émilie les en empêcha.
    – Vous allez rester ici à m’attendre.
Moi, j’vas aller en dedans avec Rolande. Vous autres, vous all ez vous cacher derrière la bergerie. Mémère doit pas
vous voir passer si on veut lui faire une surprise. Jouez aux Indiens… Marchez
le nez sur la terre. En silence. Moi, j’vas être dans la maison pour leur dire
de se fermer les yeux pis de se boucher les oreilles. Disons, ajouta-t-elle en
riant, que j’vas être votre éclaireur. Est-ce qu’on se comprend ?
    Les enfants firent comme elle le demandait.
Marie-Ange la
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