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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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retourna et vit Madame de Maintenon assise sur un fauteuil près du feu, une bible sur les genoux.
    Un léger filet de bave lui coulait de la bouche entrouverte et le roi, déjà accablé par le temps et ses réflexions sur l'éternité, en fut consterné.
    Il comprit également pourquoi tant de courtisans, sitôt qu'il se retirait en ses appartements, filaient vers Paris pour s'y amuser.
    1 Louis XIV mourut à soixante-dix-huit ans, après soixante-douze ans de règne.
    2 Voir Les Foulards rouges, Lattès, 2001.
    3 Pourtant, le 9 juin 1693, alors que Guillaume III était sur le point d'être écrasé, le roi qui se trouvait avec l'armée de Flandres rentra brusquement à Paris et annonça qu'il ne paraîtrait jamais plus à la tête de ses troupes. L'armée fut consternée.
    4 Il n'existait, au-dessus des ducs, que les princes et le roi.
    5 Répression des huguenots souvent menée par les dragons.

3.
    Deux hommes sortirent du Renard Argenté à l'instant précis où le roi jetait un regard sans complaisance sur Madame de Maintenon qui s'était assoupie.
    Le plus grand, un borgne de trente-quatre ans, survivait assez bien grâce à deux putains qui vendaient leurs beaux corps pour son seul profit.
    L'autre, âgé de vingt-trois ans, marchait en roulant ses larges épaules. Ses cheveux d'un blond affirmé, et non pas clair comme en les pays du Nord, étaient plantés fort bas si bien que le front semblait absent. Longtemps, il travailla au marché aux chevaux mais ses manières très brutales avec les malheureuses bêtes le firent mépriser même en ce milieu où l'on ne pratique guère les épanchements du coeur. Sans travail, il en vint, un an plus tôt, à assassiner un riche drapier et sa femme mais l'or volé pendant ce double crime venait de s'épuiser. Aussi était-il « heureux » de travailler avec le borgne.
    Le premier n'avait plus qu'un an à vivre, finissant la tête broyée dans un étau par les soins d'un ami qui convoitait ses putains.
    Le second devait être pendu vingt-deux mois plus tard, à la suite d'un nouveau crime où il fut cette fois surpris.
    Dans le soir qui tombait, sous une pluie fine, le borgne adressa un signe discret à un troisième homme qui menait une voiture à deux chevaux, rideaux noirs tirés. Aussitôt, le cocher agita les rênes et la voiture suivit à moins de 40 mètres, au pas lent des chevaux.
    Les rues étaient presque vides et ainsi en est-il souvent, en la ville de Paris, lorsque le froid ajoute à l'humidité et au vent.

    Le blond, feutre rabattu sur les yeux, protesta :
    — Que ne va-t-on en les quartiers pauvres du faubourg Saint-Antoine ou Saint-Marcel ? Ce que nous cherchons n'y manque pas.
    L'autre haussa les épaules :
    — Imbécile! T'y promènes-tu, l'été, comme je le fais parfois ? Certes, les enfants ne manquent pas mais ils sont nus et sales en des rues boueuses et puantes. Celui qui nous paye pour cette besogne veut des enfants aussi propres que bien portants et c'est grande chance qu'il ne soit point regardant s'ils sont filles ou garçons pourvu qu'ils aient moins de dix ans.
    Quittant la rue de Louy, ils empruntèrent la rue de la Tissenderie avant de s'engager dans la rue de la Cordellerie.
    La voiture suivait toujours, au pas accablé des chevaux qui baissaient l'encolure sous la pluie glacée.
    Le blond protesta de nouveau :
    — Ah ça, c'est à la place de Grève 1 , que tu nous mènes?
    — C'est là que nous finirons, alors pourquoi l'éviter?
    Ils croisèrent trois hommes de police mais ceux-ci, pressés, qui avançaient tête basse en affrontant la pluie, ne leur accordèrent pas un regard.
    Le blond, car tel était son caractère, ne put s'empêcher de récriminer :
    — Voilà, nous avons trop attendu et à présent, il sera impossible de trouver un enfant.
    Le borgne, dont l'expérience était grande, secoua la tête :
    — Ils sont rares à cette heure mais la nuit qui tombe nous est complice.
    — Et enfin, qui est-il, celui qui nous commande?... Et qu'en fait-il, de ces enfants ?
    Le borgne tourna vivement la tête vers le blond :
    — Qui il est, ne cherche surtout pas à le savoir car même si tu n'es pas un trembleur, tu aurais la plus grande frayeur de ta vie rien qu'à croiser ceux qui le servent. Quant aux enfants, j'ai l'impression que nul ne les revoit jamais et...
    Il s'arrêta, contemplant une vieille femme qui venait vers eux en tenant par la main un garçonnet de sept ou huit ans.
    Vivement, le borgne fit signe au cocher
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