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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix
Autoren: David Camus
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absent, il paraissait avoir perdu la
raison. Apercevant Morgennes, il leva les bras vers le ciel en gémissant.
Morgennes s’écria :
    — Monseigneur ! Par ici ! C’est moi,
Morgennes, gardien de la Vraie Croix…
    À ces mots, le visage de Rufinus reprit un peu de vie.
    — Sauvez-la ! supplia-t-il. Sauvez-la, je l’ai
perdue !
    Morgennes s’approcha, chercha la croix des yeux, mais ne la vit
nulle part. Il fallait bien, pourtant…
    L’évêque continuait d’avancer, titubant comme s’il était
ivre, ne prêtant plus attention à Morgennes. Par moments, il plongeait sa main
vers le sol, et remontait une poignée de sable qu’il laissait aussitôt filer entre
ses doigts en pleurant.
    — En vérité, en vérité, c’est moi qui suis perdu !
cria-t-il en dressant un poing rageur vers un ciel encombré de nuées.
    Au même moment, la terre trembla de plus belle. Morgennes
eut à peine le temps de passer le bras gauche dans les énarmes de son bouclier
qu’une demi-douzaine de cavaliers mahométans surgirent d’un nuage de poussière,
à quelques toises seulement de lui.
    —  Mihi vindicta ! hurla-t-il pour attirer
leur attention. Vengeance !
    Les cavaliers l’entendirent et passèrent de part et d’autre
de l’évêque. Morgennes se demanda s’ils n’allaient pas l’ignorer. Mais le
dernier cavalier de la petite troupe trancha, d’un ample coup de sabre, la tête
de l’évêque, qui roula dans le sable. Rufinus avait été tué sans haine, presque
avec indifférence.
    Il n’en irait pas de même pour Morgennes. La croix de son
bouclier le signalait comme l’un des pires ennemis de Saladin. Il faisait
partie de ces ordres de chevaliers que les infidèles haïssaient le plus.
C’était un soldat du Christ, un de ces milites Christi qui avaient juré
de défendre coûte que coûte la Terre sainte, et de mourir pour elle s’il le
fallait.
    Son expérience du combat lui avait appris qu’il ne servait à
rien de se précipiter. Il se campa fermement sur ses pieds, cala son écu contre
lui, et attendit patiemment la charge des Mahométans. « Mort pour mort, se
disait-il (car telle était sa devise), autant se battre et aller jusqu’au
bout. »
    Les cavaliers venaient au grand galop. Dans leur sillage
grossissait un nuage de poussière où Morgennes aperçut – détail
curieux – voler quelques insectes. Des mouches, des guêpes, ou des
abeilles, il n’aurait su le dire. C’était la première fois qu’il était le
témoin d’un pareil phénomène. Les infidèles avaient un air déterminé, et leurs
faces ne laissaient transparaître aucune émotion. L’un d’eux tenait une lance,
qu’il abaissa en éperonnant son cheval. Deux autres bandèrent leur arc, et
décochèrent, debout sur leurs étriers, une salve de flèches. Les premières
épargnèrent Morgennes, puis les tirs gagnèrent en précision. Les dernières se
fichèrent dans son écu, et le lancier fut sur lui.
    La lance heurta Morgennes avec une telle violence qu’elle le
projeta deux toises en arrière après avoir fendu son bouclier. Une douleur
fulgurante remonta de son bras gauche à tout son corps. Sa main se mit à
trembler. Heureusement, il était tombé sur le cadavre d’un obèse, dont la
graisse avait amorti sa chute. En pivotant au dernier moment, Morgennes avait
évité d’être embroché comme un poulet.
    Il se releva, le souffle coupé, et s’empara de la targe du
défunt. Déjà, les Sarrasins revenaient à l’assaut.
    Les archers tournaient autour de lui et le harcelaient de
flèches. Il avait beau bouger sans cesse, changer d’allure et de direction,
jouer de son petit bouclier, les projectiles passaient en vrombissant si près
de son visage qu’il pouvait en voir la penne sertie de plumes noires.
    —  Pater noster, qui es in cœlis, sanctificetur nomen
tuum…
    Morgennes entama une patenôtre, regrettant de ne pas avoir
accepté le sacrement de l’extrême-onction accordé aux guerriers avant le
combat.
    Les cavaliers virevoltaient, cherchant l’angle d’attaque
idéal. Morgennes, malgré sa souffrance, avait encore assez de force et de
volonté pour combattre et leur faire payer, le plus chèrement possible, sa
capture ou sa mort.
    — … adveniat regnum tuum…, continua-t-il,
persuadé que sa dernière heure était proche.
    Sur un signal du cavalier qui l’avait chargé la première
fois, deux Sarrasins s’élancèrent à sa rencontre, sabre au clair. Les lames
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