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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon
Autoren: Evelyne Lever
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plus en plus tôt. La tsarine n’avait guère le goût des occupations sérieuses. D’humeur changeante, elle semblait facile à convaincre, mais sa versatilité était inquiétante pour la conduite de ses États. Le chancelier Bestouchev avait réussi à se maintenir au pouvoir, mais il redoutait son rival Vorontsov qui, de toute évidence, complotait avec l’impératrice et les Français.
    La tsarine se méfiait à juste titre de la jeune cour regroupée autour du grand-duc héritier, son neveu Pierre de Holstein, et de son épouse née Catherine d’Anhalt-Zerbst. Élisabeth avait voulu ce mariage, qui s’était révélé comme l’union la plus mal assortie qu’on pût imaginer. Le grand-duc, « le cerveau plein de misères   », passait ses nuits à boire en compagnie de quelques soudards. Vouant une passion sans bornes à Frédéric II, dont il singeait le costume, les attitudes et les goûts, il éprouvait une prédilection pour ce qui touchait à l’art militaire. Aussi se plaisait-il à faire manœuvrer les soldats de sa garde des journées entières. Il avait cessé toutes relations intimes avec son épouse qui ne s’en plaignait guère. Belle, intelligente et altière, Catherine s’était efforcée de comprendre cet étrange empire, qui lui était à priori étranger   : elle s’était faite russe et apparaissait alors comme une rivale de la tsarine.
    Le plus souvent, la grande-duchesse recevait les ambassadeurs, présidait les fêtes et les manifestations officielles. Autour d’elle se réunissaient tous ceux qui pensaient à l’après-Élisabeth, au premier rang desquels se trouvaient Bestouchev et le chevalier Williams, autrement dit les ennemis du parti français. La vie privée de Catherine prêtait à la médisance. Son fils, le grand-duc Paul, passait en réalité pour celui de son amant, le jeune Soltykof. Vers 1755, l’arrivée à Pétersbourg du prince Poniatowski avait mis fin à cette liaison. Catherine éprouva une vive passion pour ce grand et beau jeune homme de vingt-six ans, qui avait toutes les qualités d’un séducteur. À Paris, il avait été la révélation du salon de Mme Geoffrin. À Saint-Pétersbourg, sa conversation brillante, ses réflexions teintées de philosophie, ses manières parfaites tranchaient avec celles des Russes beaucoup moins raffinés. Catherine tenait à le garder auprès de lui, si bien qu’il fut nommé ministre de la République de Pologne. Sa nomination à un poste diplomatique le conduisit à prendre pour modèle le chevalier Williams, lequel faisait partie du cercle de Catherine. En 1757, lorsque le marquis de l’Hôpital s’installera à Pétersbourg comme ambassadeur de France, il parlera du «trio d’un coquin, d’un fou et d’un fat {27} » qui maintenait la grande-duchesse dans le parti anglo-prussien.
    D’Éon avait réussi à surmonter le mal du pays qui l’avait terrassé lors de son arrivée. Il se passionnait désormais pour sa mission et, grâce à Vorontsov, il menait une vie mondaine fort plaisante. Admis chez le prince de Conti, ayant été reçu dans la haute noblesse, il connaissait suffisamment les mœurs de la cour pour faire bonne figure à celle de la tsarine, où l’on se montrait curieux à l’égard des étrangers. « On examine et on remarque avec soin leurs parures et on y exige de la richesse et de la magnificence   », ce qui oblige les diplomates à faire des dépenses considérables, remarque-t-il {28} . Habitué à l’élégance des milieux qu’il a côtoyés à Paris, d’Éon traite avec un certain dédain le luxe tapageur des Russes qui s’habillent de façon voyante sans raffinement, bien qu’ils se targuent de copier les modes françaises. Ils changent trois fois de tenue au cours de la journée et ne remettent jamais les mêmes vêtements à l’occasion des réceptions. Les femmes sont parées comme des châsses, couvertes de bijoux, « les jours de gala tenus dans une pièce très vaste, éclairée de trois ou quatre cents bougies, on en voit reluire l’or, l’argent et les diamants   », écrit-il Si le jeune homme apprécie la bonne musique que l’on joue au palais d’hiver, il trouve qu’elle manque de variété. Ce diplomate débutant a tout du petit-maître parvenu, jugeant cette société encore trop immature pour varier ses plaisirs. Reçu dans certaines maisons où l’on parle pourtant un excellent français, il se prend à regretter les salons parisiens où la
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