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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon
Autoren: Evelyne Lever
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ville, lui ayant déconseillé de passer par le Hanovre où il risquerait d’être arrêté, le roi d’Angleterre étant, on le sait, souverain de cet Électorat. Il arrive sans encombre à Francfort, mais à partir de ce moment, on perd sa trace. Il racontera qu’il a voyagé nuit et jour à travers d’immenses forêts, sans arme et sans domestique, la peur au ventre. À Berlin, les autorités le soumettent à une fouille en règle et lorsqu’on lui demande de décliner son identité, il prétend s’appeler M. Devin exerçant la profession de marchand de vins. La Bourgogne n’est jamais bien loin   ! On le laisse continuer sa route. À Leipzig, le banquier Reinman le prend pour un aventurier et refuse de lui avancer de l’argent, si bien qu’il choisit la solution la moins onéreuse pour gagner la Russie   : le bateau de Lübeck à Saint-Pétersbourg.
    Traversée mémorable. « La navigation sur la mer Baltique est dangereuse, écrit-il   ; elle est presque toujours en colère, remplie de rochers qu’on a bien de la peine à découvrir... Le capitaine était désorienté, cherchait sa boussole et ne sachant plus trop où il en était, se contenta de nous enfermer tous par surprise dans sa chambre et de faire abattre les voiles, de jurer après les matelots, de trépigner des pieds aussi fort qu’un cheval qui était dans la soute destiné au grand-duc, et mêlant sa terrible voix aux dix-sept chiens danois et à un mouton anglais qui étaient aussi sur notre vaisseau, il criait de toutes ses forces « Mein Gott   ! Mein Gott   !". Ma vertu stoïcienne m’a servi beaucoup dans ce moment. M’enveloppant dans mon manteau philosophique, je me contentais de dire le miserere. À quoi m’aurait servi de faire des grimaces   ? Croyant presque à la prédestination, éloigné de la terre de plus de 200 lieues de tous côtés, je n’aurais eu d’autre espoir que de me saisir, en cas de naufrage, d’une grande jument allemande qui servait de femme à un cuisinier italien. Mais ce diable d’Italien renfermé avec sa femme dans une petite cahute, ne voulait la quitter ni jour ni nuit. Les poissons et la mer inquiétaient même sa jalousie. Son corps était plus tremblant et sa voix en bémol et en bécarre était de dix tons plus pressante que celle de sa femme. Tant que l’orage a duré, nous avons entendu cette charmante musique.   » Continuant de poser au héros, d’Éon se vante d’avoir été le seul à pouvoir se nourrir, regrettant qu’il n’y eût pour tout festin que de la viande cuite au vinaigre et du hareng salé, arrosés de bière. À ses pieds se traînaient des passagers anglais et allemands atteints du mal de mer « qui rendaient si copieusement qu’on aurait cru qu’ils étaient chargés de l’entreprise des vivres des poissons de la mer   ». Ayant ainsi glorieusement survécu à la tempête, il accosta à Saint-Pétersbourg. « Le chevalier Douglas en me voyant sortir de mon vaisseau, l’épée au côté, chapeau sous le bras, bas blancs, tête bien poudrée, a cru voir un petit maître de Paris, sorti de sa galiote au bas du Pont-Royal pour faire un tour aux Tuileries   »
    Plutôt narcissique le jeune d’Éon. Il aime se mettre en scène et ne manque pas d’imagination. Peut-on le prendre au sérieux   ? Depuis quelques jours, Tercier en doutait. Il était en effet averti par ses agents en Allemagne que d’Éon se vantait à tort d’être son parent et de se prétendre chargé de négociations importantes à Saint-Pétersbourg où il portait des présents de grande valeur. « Cette imprudence qui dénote une tête légère et peu réfléchie importe que vous fassiez attention pour la suite   », dit-il sévèrement à Douglas {21} .

La cour de Pétersbourg
    Âgée seulement de quarante-huit ans, l’impératrice régnante était une femme hantée par le spectre la vieillesse. Préoccupée par sa santé, en proie à des angoisses perpétuelles causées par des évanouissements fréquents, elle restait éveillée la nuit, dormait le jour et vivait retirée dans ses appartements au milieu de ses femmes et de quelques familiers. Vorontsov était son confident et Chouvalov, son favori de l’époque, passait pour l’empereur de la nuit. Si elle n’avait pas eu le goût des amants, elle aurait sûrement sombré dans la dévotion qui la tourmentait par accès. Elle donnait pourtant des fêtes somptueuses où elle apparaissait telle une déesse qui disparaissait de
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