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LE CHÂTEAU DANGEREUX

LE CHÂTEAU DANGEREUX

Titel: LE CHÂTEAU DANGEREUX
Autoren: Walter Scott
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voyageurs, et parlant si haut, car ils paraissaient se disputer, que le ménestrel et sa compagne purent distinguer les voix, quoique la distance fût considérable. Après avoir regardé quelques minutes en plaçant sa main au dessus de ses yeux, Bertram s’écria enfin : « Par Notre-Dame ! c’est mon vieil ami Tom Dickson, j’en suis sûr… Pourquoi donc est-il de si mauvaise humeur contre ce jeune garçon qui peut bien être, je crois, ce petit bambin éveillé, son fils Charles, qui ne faisait que courir et tresser du jonc, il y a quelque vingt ans ? Il est heureux néanmoins que nous trouvions nos amis dehors ; car, j’en réponds, Tom a une bonne pièce de bœuf dans sa marmite, avant de s’aller mettre au lit, et il faudrait qu’il eût bien changé pour qu’un vieil ami n’en eût point sa part ; et qui sait, si nous étions arrivés plus tard, à quelle heure ils pourraient avoir jugé convenable de tirer leurs verrous et de débarder leurs portes si près d’une garnison ennemie ? car, à donner aux choses leurs véritable nom, c’est ainsi qu’il faut appeler une garnison anglaise dans le château d’un noble écossais. »
    « Imbécile, répliqua la jeune dame, tu juges sir John de Walton comme tu jugerais quelque grossier paysan pour qui l’occasion de faire ce qu’il veut est une tentation et une excuse de se montrer cruel et tyran. Mais je puis te donner ma parole que, laissant de côté la querelle des royaumes qui, bien entendu, se videra loyalement de part et d’autre sur des champs de bataille, tu reconnaîtras que les Anglais et les Écossais, sur ce domaine et dans les limites de l’autorité de sir John de Walton, vivent ensemble comme fait ce troupeau de moutons et de chèvres sous un même chien : ennemi que ces animaux fuient en certaines occasions, mais autour duquel néanmoins ils viendraient aussitôt chercher protection si un loup venait à se montrer. »
    « Ce n’est pas à votre seigneurie, répliqua Bertram, que je me permettrais d’exposer mon opinion sur ce point ; mais le jeune chevalier, lorsqu’il est recouvert des pieds à la tête de son armure, est bien différent du jeune homme qui se livre au plaisir dans un riche salon au milieu d’une réunion de belles ; et quand on soupe au coin du feu d’un autre, quand votre hôte de tous les hommes du monde se trouve être Douglas-le-Noir, on a raison de tenir ses yeux sur lui pendant qu’on fait son repas… Mais il vaudrait mieux que je cherchasse à nous procurer des vivres et un abri pour ce soir, que de rester ici à bâiller et à parler des affaires d’autrui. » À ces mots, il se mit à crier d’une voix de tonnerre : « Dickson ! holà ! hé ! Thomas Dickson ! ne veux-tu pas reconnaître un vieil ami qui est si bien disposé à mettre ton hospitalité à contribution pour son souper et son logement de la nuit ? »
    L’Écossais, dont l’attention fut excitée par ces cris, regarda d’abord le long de la rivière, puis il leva les yeux sur les flancs nus de la montagne, et enfin les abaissa sur les deux personnes qui en descendaient.
    Comme trouvant la soirée trop froide lorsqu’il laissa la partie abritée du vallon pour aller à leur rencontre, le fermier du vallon de Douglas s’enveloppa plus étroitement dans le plaid grisâtre qui, dès une époque très reculée, avait été mis en usage par les bergers du sud de l’Écosse, dont la forme donne un air romanesque aux paysans et aux classes moyennes, et qui, quoique moins brillant et moins fastueux de couleurs, est aussi pittoresque dans son arrangement que le manteau plus miliaire, le manteau de tartan des montagnards. Quand ils approchèrent l’un de l’autre, la dame put voir que l’ami de son guide était un homme vigoureux et athlétique, lequel avait déja passé le milieu de la vie et montrait des marques de l’approche mais non des infirmités de l’âge sur un visage qui avait été exposé à de nombreuses tempêtes. Des yeux vifs, qui semblaient tout observer, donnaient des signes de la vigilance dont avait acquis l’habitude un homme qui avait long-temps vécu dans un pays où il avait toujours eu besoin de regarder autour de lui avec précaution. Ses traits étaient encore gonflés de colère, et le beau jeune homme qui l’accompagnait paraissait aussi mécontent qu’un fils qui a reçu des preuves sévères de l’indignation paternelle, et qui, à en juger par la sombre expression mêlée à
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